Banquets, ripailles, partages et grâces rendues

Les fêtes de fin d’année sont souvent, dans les pays de culture européenne, (pour ne pas parler de ce que je ne connais pas) sous le signe de l’excès, particulièrement au niveau alimentaire. Cela peut s’expliquer à mon avis par plusieurs aspects : les fêtes d’hiver, comme les fêtes des moissons, sont des célébrations de l’abondance alimentaire. Dans le cas des fêtes d’été parce que ce sont les récoltes qui, à la base, sont la condition de survie des humains dans notre type de société, dans le cas de fêtes d’hiver, parce que cette abondance engrangée aide à « passer l’hiver », à lui survivre, à survivre à des conditions climatiques parfois très dures. Ces fêtes d’hiver se terminent souvent par une phase d’abstinence ou de modération qui correspond à la fin des réserves hivernales et à l’attente du début des dons de la Nature. Le froid donne effectivement un besoin de nourriture plus grasse et consistante à l’organisme qui dépense beaucoup d’énergie pour lui résister et pallier à la baisse de la luminosité diurne. Les poules ne pondent plus que très peu, certains animaux hibernent, les humains mangent et restent à l’abri. Lorsqu’ils en ont les moyens.

Quel sens peut avoir aujourd’hui cette quasi obligation sociale de manger trop au point de ne plus apprécier ce qu’on goûte, sans égard pour le temps qu’il fait réellement ?

Je voudrais vous proposer avec ces questionnements un lien vers un chant pour remercier simplement nos aliments. Ce qui implique énormément de choses… Il s’agit du chant pour la préparation du repas qu’a créé Nagali et que vous pouvez lire en cliquant sur ces derniers mots.

Strudel de Yule

Pour une variante amusante de la bûche, j’aime beaucoup le strudel (« shtroudeul ») au pavot, pas seulement pour ses saveurs que je trouve inégalables, mais aussi parce que le noir bleuté du pavot en spirale dans cette pâte claire me semble être un bel hommage à la nuit la plus longue de l’année. Ce pourrait être la version sombre du Tison de Yule de Lune, avec une spirale légèrement plus aplatie, car le strudel ne se fait pas avec une génoise, mais avec une pâte feuilletée ou bien avec la pâte traditionnelle dont je vous livre ici la recette, que je tiens d’une Mère slave et d’un Oncle allemand, tous deux très sympathiques et qui utilisaient la même. Le strudel peut aussi se faire à la pomme, j’ajoute la variante en fin de recette. Tu peux préparer ta mouture de pavot à l’avance si tu le souhaites ou bien pendant que la pâte pose.

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Mêle 330 gr. de farine fluide à 65 gr de beurre chambré et un œuf, ajoute un verre d’eau tiède (environ 100 gr.), 1 pincée de sel (si le beurre que tu as utilisé est doux) ainsi que le jus d’un demi citron.

Tu auras alors assez de pâte pour faire deux petits strudels d’une vingtaine de centimètres ou un grand d’une quarantaine de centimètres.

Pétris, pétris petites mains… jusqu’à ce que la pâte soit lisse, roule en boule dans son plat, recouvre d’un beau linge de fête et laisse poser 2 heures.

Pendant ce temps, tu pourras préparer la garniture de pavot :

Fais blanchir 100 gr. de pavot. Mets pour cela de l’eau à bouillir, les grains de pavot dans un linge prévu pour la cuisine (lin ou coton ou chanvre non traité ou un vieux torchon des familles sans trou et lavé sans parfum ni autre produit odoriférant), noue le linge avec une ficelle et plonge-le quelques minutes dans l’eau bouillante. Ne serre pas trop le tissu afin que toutes les graines puissent baigner dans l’eau.

Passe ensuite les grains au moulin à pavot ou écrase les longtemps longtemps avec le courage d’une élève de Frau Holle au mortier à pavot, mortier étroit et haut dans lequel voyage Baba Yaga. C’est là l’opération la plus longue de toute la préparation. Rassure-toi cependant, elle n’est pas aussi longue que la nuit du solstice d’hiver… Tourne, tourne, petit moulin…

Mets à chauffer 15 à 20 cl de lait tiède, dans lequel tu verseras la pâte de pavot broyé. Ajoute selon ton goût ou celui de ceux qui partageront ce dessert, 3 ou 4 grosses cuillères de miel voire plus encore et de la cannelle. Si c’est trop épais pour être étalé, ajoute du lait tiède, si c’est trop liquide, ajoute du pain d’épices dur râpé. Tu peux aussi ajouter quelques gouttes d’alcool, gnôle de pomme ou de prune, pour parfumer.

Abaisse ensuite la pâte au rouleau sur un linge fariné et badigeonne-la de crème fraîche épaisse, que tu saupoudreras très légèrement de sucre blond ou brun. Étale la garniture au pavot là-dessus sans aller trop au bord de la pâte et roule en serrant. Où l’on comprend l’utilité du linge fariné…

* Variante aux pommes :

Parsème la pâte encrémée de 50 gr d’amandes effilées, 500 gr de pommes en lamelles, 50 gr de raisins de Corinthe macérés dans le kirsch ou pas, 50 gr de sucre en poudre, saupoudre de cannelle.

Badigeonne le strudel, posé sur une plaque, d’un mélange de jaune d’œuf et beurre fondu avant de mettre au four à feu moyen (environ 180°c) pour 40 minutes. Tu peux ensuite saupoudrer de sucre neige si tu le souhaites ou servir tel quel, accompagné ou pas de fromage blanc comme neige, après l’avoir laissé refroidir.

Strudeldi Strudelda la belle et longue nuit que voilà…

(c) Lalie Solune