Tartines ibériques

Lors des étés torrides, dans la pénombre de la cuisine, la abuela procédait souvent à ce rituel d’après-midi : elle coupait quelques larges tranches de pain, découpait la moitié d’une gousse d’ail pour en frotter le pain, puis une moitié de tomate pour parfaire l’onction de la tartine, avant de faire couler dessus un filet d’huile d’olive et de déposer une tranche de jambon serrano. Pour les enfants, elle en faisait toujours deux qu’elle plaçait en sandwich, pour qu’ils puissent s’en retourner avec leur goûter construire châteaux et villes, lancer voiturettes le plus fort possible et faire cavaler leurs personnages en hululant. En grandissant, certains ont appris à faire pousser le basilic. Ils ajoutent aujourd’hui quelques feuilles au présent qu’ils se font parfois lors des torrides journées d’été…

(c) Lalie Solune

Bretzels

Il faut d’abord pour le cœur le ferment. Active 15 gr de levure sèche de boulanger avec une petite part de 2 dl d’eau tiède et une petite pincée de sucre. Laisser le temps au ferment, comme il se doit, de mousser et monter.

Pendant ce temps, fais une pâte ferme mais souple avec 300 gr. de farine et le reste de l’eau tiède, puis ajoute la levure.

Laisse lever en recouvrant d’un beau linge, à l’abri des courants d’air, jusqu’à ce que la pâte ait doublé de volume. Mets à chauffer une grande marmite d’eau dans laquelle tu versera 65 gr. de bicarbonate de soude afin que la chaleur cuise la pâte sans la dissoudre.

Forme ensuite des rubans de pâte en roulant des morceaux prélevés. Attrape le ruban à chaque bout et croise-le en un tour de main. Un nœud souple et libre pour le cœur…

Plonge les cœurs par deux dans la grande marmite d’eau bouillante qui frémit.

Lorsqu’ils remontent à la surface, égoutte-les. Dispose-les sur une plaque huilée. Badigeonne du blanc de deux oeufs et saupoudre de gros sel, de cumin, de graines de nigelle de l’été passé, de grains de sésame…

Passe au four de sorte qu’il soient bien dorés.

Enfile les cœurs sur des rubans colorés pour offrir et partager lorsqu’ils sont encore bien frais, pour accrocher au branches de l’aubépine …

 

 

(c) Lalie Solune

Lasagnes aux épinards

Lorsque tu auras récolté et lavé une bonne livre et demie de feuilles d’épinards, verse dans ta marmite un filet d’huile d’olive gorgée de soleil. Déshabille trois gousses d’ail et écrase les d’un tendre coup de patte avant de les poser dans l’huile et de les recouvrir des vertes feuilles. Ajoute une bonne pincée de sel marin et demande au feu de se faire petit, que ses flammes lèches très doucement le fond de la marmite. Pose là-dessus le couvercle et laisse cuire à l’étouffade, de sorte à avoir du jus, le temps que se passent cinq ou dix minutes.

Alors tu pourras soulever le couvercle et touiller avec ta cuillère en bois, ajouter une demie livre d’un bocal de tomates au jus, un petit piment « bec d’oiseau » rouge comme le tour de l’œil du merle et moqueur comme lui, des olives niçoises autant qu’il te plaira, une cuillère à café de câpres et admirer les fleurs du romarin en prélevant une pincée de ses feuilles que tu ajouteras à cette mixture juteuse.

Un plat à lasagne entre en scène : habille son fond d’huile d’olive, pose dessus la pâte à lasagnes en recouvrant bien tout, ajoute une couche de sauce aux épinards et recommence jusqu’en haut du plat en finissant par la pâte aux œufs surmontée d’une couche de fromage frais et de fromage râpé. Confie aux salamandres du four accordées vers les 220° C. pendant quelques vingt minutes. Ces lasagnes bien gratinées seront fièrement accompagnées de petites feuilles en salade : roquette, jeunes feuilles de pissenlit, mouron des oiseaux… et d’un vin blanc sec et frais, en toute convivialité.

 

(c) Lalie Solune

Sauce tomate

De son rouge vif et parfumée, la sauce tomate peut accompagner beaucoup d’aliments. Le plus courant, celui qui nous viendrait en premier à l’esprit, ce sont les pâtes. Mais elle accompagne aussi les légumes, dans l’éminement estivale ratatouille par exemple, les fruits de mers, comme les calamars à l’armoricaine, les viandes, dans l’osso-buco entre autres, la polenta ou encore les céréales les plus diverses et variées. La sauce de « pommes d’or » est d’excellente compagnie aussi pour les Storzapretti aux épinards.

Il existe mille façons de la cuisiner, plus ou moins épicée, aromatisée d’herbes, plus ou moins aigrelette, acidulée ou sucrée…

Lors de la saison des tomates, de juillet à septembre, on peut la préparer avec des tomates fraîches qu’on peut épépiner* et peler selon son goût. Le reste de l’année, on peut utiliser des bocaux de tomates au jus. Il existe des milliers de variétés de ce fruit de la famille des solanacées, réputé toxique jusqu’à la fin du XIXe siècle. Les Olivettes et les Roma font partie des plus réputées pour la sauce. Explorons et testons ce que nous trouverons…

Voici une recette parmi d’autres, celle que j’ai concoctée justement pour gratiner les storzapretti de Strega.

Dans un fond d’huile d’olive disposée en sauteuse, une petite carotte de printemps a été râpée. La carotte orange adoucit l’acidité de la tomate. Trois bonnes gousses d’ail frais d’avril ont été écrasées. Une pincée de thym a été froissée, une belle feuille de laurier lâchée, quelques grains de sel lancés. Puis un grand bocal de tomates au jus, d’une livre et demie. Le tout a mijoté longtemps à feu moyen, jusqu’à ce que consistance plaise aux sens…

L’aurais-je cuisiné l’été ou au début de l’automne, j’aurais coupé les tomates fraîches en quartier, dont j’aurai retiré la partie dure reliée à la tige, que j’aurais fait mitonner doucement au lieu d’utiliser un bocal… mais je ne l’aurais pas concoctée pour accompagner les storzapretti…

(c) Lalie Solune

 

* Les pépins de tomates peuvent parfois se récupérer pour être semés… sait-on jamais… Dans ce cas, lave-les dans un chinois et fais-les sécher sur un plan bien aéré afin qu’ils ne moisissent pas.

Chou-fleur au cidre

Les perce-neige ont effleuré le bout du nez de la vieille sorcière hiver, les salamandres et les grenouilles qui migraient vers leurs amourettes ont passé sur ses pieds noueux, qui se sont dénoués, les oiseaux revigorés ont piaillé et tournoyé autour de sa tête… la voilà métamorphosée, la voici rajeunie !

Bientôt, sorcière hiver sera devenue fée printanière. Mais quelque chose de blanc comme neige en son jardin luit, dans un écrin de vertes feuilles… Elle le cueille, le tourne en tous sens, c’est un chou comme ceux de l’hiver, une fleur comme celles du printemps.

Mi-fée mi-sorcière, elle l’emporte dans sa chaumière et en défait les feuilles qui nourriront les bêtes. Chaque part de la pomme est un petit bouquet à détacher, ce que fait la sorcière. Elle les plonge dans l’eau froide du chaudron qu’elle pose sur le feu pour les cuire jusqu’à ce que tendreté côtoie fermeté.

La fée fouine dans son panier à échalotes et en retire une bonne quantité, la sorcière sort son grand couteau pour les peler et les émincer. Si elle s’y prend tranquillement, pour les trouver et les apprêter, la vingtaine de minutes utiles à la cuisson du chou-fleur y suffira… Plat du four, rend-lui service en ce jour ! Accueille les échalottes et quelques copeaux de beurre, une bonne pincée de sarriette séchée de l’été passé et le chou-fleur égoutté.

La sorcière tire de derrière les fagots un beau flacon de cidre. Les pommes de Samhain ont bien fermenté, la boisson est prête à déguster. Tout de même, la fée encore un peu sorcière goûte le breuvage, on ne sait jamais… S’il est parfait, elle en arrose généreusement le plat, de sorte que les légumes baignent. La gueule ouverte du four accueille cette offrande pour la transfigurer. Petites bulles de bouillon, fonte douce des échalottes… c’est trois fois dix minutes à consacrer la table avec les premières fleurs et les premiers chatons avant l’arrivée des ses amis, eux aussi transformés par le seuil de la saison.

 

(c) Lalie Solune

Crêpes de sarrasin levées

Un peu à la façon éthiopienne, mais seulement un peu, puisqu’il est difficile de trouver sous nos latitudes du teff, la céréale utilisée en Ethiopie pour faire l’Injera, la galette traditionnelle qui tient là-bas un peu le rôle que le pain tient en Europe dans la tradition culinaire (et le riz en Asie). En revanche pousse dans nos contrées le sarrasin, qui demande peu à la terre et a nourri bien du monde pendant de nombreuses générations.

Mélange de la farine sarrasin à de la levure en poudre, ajoute une pincée de sel et de l’eau tiède. Laisse un peu poser au chaud. Cuis tes galettes sur une grande plaque d’un seul côté.

C’est tout simple, c’est donc de saison…

(c) Lalie Solune avec remerciements à Carabosse pour la précision concernant le Teff

Azifa

Verse dans ton chaudron des lentilles vertes et trois fois leur volume d’eau froide. Porte à ébullition et laisse cuire à feu moyen pendant trente minutes. Egoutte-les (garde leur eau de cuisson pour raviver du linge noir, si tu le souhaites et que ça peut t’être utile).

Lorsqu’elles sont encore tièdes, ajoute le jus d’un citron vert, du piment vert frais coupé en morceaux, du cumin (très peu) ou du gingembre, voire les deux, une échalotte hachée, un peu d’ail haché, du sel, de l’huile végétale. Ecrase un peu à la fourchette. Tu obtiendras ainsi une bonne purée de lentilles éthiopienne.

Tu peux la déguster avec des crêpes de sarrasin, à défaut de véritable injera.

(c) Lalie Solune

Pancakes de la lande

Dans un chaudron blanc comme perce-neige, comme l’écume des vagues ou le ciel de fin d’hiver au-dessus de la lande, verse autant de farine de blé que de farine de sarrasin pour faire bonne mesure. Un peu de blanc et un peu de noir… Ajoute de la levure, une poignée de poudre de noisettes, du lait de soja au lithothamnium calcareum (lait de soja « calcium » à l’algue), assez pour obtenir une pâte d’aspect liquide et fluide, bien qu’encore épaisse. Si tu la trouves un peu trop liquide et que tu parviens à te procurer un oeuf en cette fin d’hiver, ajoute-le à la pâte, sinon tu peux aussi ajouter du yaourt ou un peu plus de farine

Fouette bien la pâte et laisse la retomber. Cuis dans une poêle chaude avec du beurre salé.

Une fois dorés et cuits, saupoudre ces pancakes de pollen de fleurs et de miel de bruyère de la lande…

 

(c) Lalie Solune

Tisane de fin d’hibernation

A présent que l’ours s’étire, que les animaux s’éveillent doucement de leur hibernation, que les perce-neige et les crocus montrent le bout de leurs fleurs, ton corps a lui aussi besoin de s’éveiller tranquillement au changement de saison. Cette infusion détoxifiante et tonique peut faire l’objet d’un petit rituel de sortie d’hibernation…

Ortie feuilles sèches 1 part
Cassis feuilles sèches 1 part

Ces deux, pour purifier le corps des toxines hivernales

Un creux de paume de main d’anis étoilé pour affuter l’esprit
1/2 part de fleurs sèches de bleuets, pour la part des fées

Infuse ce mélange au moins 10 minutes dans de l’eau chaude, portée à frémissement
sers avec un peu de miel de pissenlit…
Pour donner un peu plus de tonus, en cas de faible tension et de difficultés à s’éveiller, ajoute un peu de bois sucré râpé, autrement dit du bois de réglisse*…

Si tu souhaites passer la période d’Imbolc en te tournant vers l’aspect divinatoire ou l’exploration d’Onirie, tu peux ajouter à ce mélange un peu d’armoise absinthe

(c) Lalie Solune

*La consommation de réglisse est particulièrement recommandée pour faire monter la tension artérielle, par conséquent, en cas de tension un peu haute, mieux vaut s’abstenir d’en consommer ; et en cas de baisse de tension, elle sera un allié précieux.

Salade d’avant les crocus

Emince du chou blanc très fin, mélange-le à des cornichons malossols coupés en tout petits morceaux, ajoute du vinaigre de cidre dans lequel tu auras dilué au choix : de la moutarde, du raifort, du miel, de la gelée de safran…
Laisse mariner à couvert un jour ou deux, plus longtemps le chou va macérer, plus il va faire de jus, il se conserve plusieurs jours avec le vinaigre.
Ajoute les morceaux d’une pomme bien ferme et acidulée (Grise du Canada, Clochard, Patte de loup…) et, si tu le peux, quelques pignons, noisettes ou noix, un trait d’huile de ces deux-là ou encore d’huile de lin, de chanvre, de sésame…

(c) Lalie Solune