Cèpes frits

Voici une recette aussi simple que savoureuse (mais difficile à photographier car aussitôt frits, aussitôt dégustés).
Coupe tes cèpes en lamelles, farine-les, puis jette-les dans l’huile.
Une fois cuits, place-les sur du papier absorbant et sale si tel est ton désir.
Ne te brûle pas les doigts, mais dépêche-toi de grignoter ces merveilles avant que ne rappliquent tous les gobelins du canton, et puis c’est meilleur chaud.

Strega

Borszc aux pierozki

Ainsi que le moment le plus sombre de la nuit annonce la première lueur du crépuscule matinal, la longue nuit porte en elle son propre sacrifice et son terme marque le progressif retour de la lumière qui nous précéda et nous succèdera, de même que la nuit nous précéda, de même que la nuit nous succèdera. A tout petits pas dans le froid s’avancera le soleil. Avant cela il nous faudra passer la plus longue nuit de l’année. La passer en bonne compagnie, dans le partage, à la lumière du feu de l’âtre et des chandelles, à la chaleur des paroles n’est-ce pas là une sage façon de s’assurer protection contre le gel mordant, contre le froid du corps et de l’âme ?
Quiconque a connu le mugissement vent du Nord l’hiver sait qu’il est sage alors de trouver refuge auprès de ses semblables, en les choisissant parmi les plus bienveillants.
Un potage rouge comme la braise dans la nuit, rouge du sang de la terre pourrait marquer ce moment de passage. Un potage venu d’un pays où le gel et la neige règnent sans partage chaque hiver. Un potage agrémenté de raviolis slaves, de pierozki, comme disent les Polonais. Si tu choisis cette recette comme entrée, tu en auras suffisamment pour six, cinq d’entre vous et le voyageur égaré, fatigué par le froid et affamé. Si tu choisis cette recette comme plat principal, le voyageur égaré sera le troisième convive, à moins que tu ne multiplie les doses ci données.
Si tu fais tes pierozki avec des champignons séchés, mets les à tremper la veille.
Dans une cocotte en fonte ou quelque chaudron épais à couvercle, mets à revenir 200 gr de lard frais et fais-le transpirer à feu modéré pendant que tu découpes les légumes.
A moins que tu ne souhaites nulle viande pour ce solstice hivernal, auquel cas apprête juste le fond de ton chaudron d’une matière grasse qui te conviendra et coupe, bien sûr, les légumes de la même façon : 200 gr d’oignon en lamelles fines, 150 gr de carottes et 200 gr de céleri-rave (à défaut de persil tubéreux) en julienne, 450 gr de betteraves en morceaux.
Ajoute les légumes dans le chaudron avec une feuille de laurier, 2 ou 3 baies de genièvre, et laisse les transpirer un peu à couvert avant de verser 1 litre et demi d’eau pure et une cuillères à soupe de vinaigre, un peu de poivre, un peu de sel et deux bonnes pincées de marjolaine. Laisse ceci mijoter à feu doux sous couvercle une heure environ, pendant que tu fais les pierozki.
Commence par pétrir 125 gr de farine avec un œuf et les mains humides. Pour cela, choisi un joli bol qui plaira à tes yeux et contiendra de l’eau tiède, disponible à côté de toi pendant que tu pétriras jusqu’à ce que la pâte soit lisse.
Hache au couteau 25 gr d’oignon, choisis 90 à 100 gr de champignons des bois (bolets, pholiotes, lactaires délicieux, cèpes…) tirés d’un bocal, que tu égoutteras et rinceras, puis couperas en tout petits bouts. Fais les revenir ensemble à la poêle.
Mélange les à 50 gr de choucroute artisanale, ou un peu plus, peut-être même 100 gr, si tu souhaites mixer la farce.
Après avoir abaissé la pâte sur une planche farinée, découpe des ronds grands comme ta paume de main avec un verre.
Tu obtiendras ainsi une dizaine de pierozki.
Dépose la farce au centre de ces cercles, et continue à travailler des deux mains. Humidifie les bords des pierozki avec les doigts, ton bol d’eau renouvelée toujours près de toi, tasse délicatement la farce au milieu un peu selon une ligne horizontale et replie les raviolis pour les fermer en pinçant les bords.
Pose-les sur un plan fariné pour qu’ils sèchent en attendant la cuisson.
Laisse le chaudron de Borscz refroidir. Au moment opportun, retire la feuille de laurier et (s’il le faut) la viande de ton chaudron et mixe les légumes. Passe ensuite le tout au chinois ou dans une étamine* avant de réchauffer.
Tu peux, si tu le souhaites, découper le morceau de viande en tout petits morceaux et le laisser dans le bouillon.
Cuis les pierozki onze minutes durant dans une bonne quantité d’eau bouillante salée et, au moment de servir, ajoute ces petits croissants de lune dans le Borscz rouge comme un ciel crépusculaire.
Mets à disposition de tes commensaux de la crème fraîche, un peu de persil et s’ils peuvent le souhaiter du raifort râpé.
(c) Lalie Solune
*la purée de légumes qui reste peut se servir plus tard en croquettes, ajoute juste de la farine ou de la kasha de sarrasin et un oeuf ou bien du fromage frais et cuis-les à la  poêle, tu peux servir ces croquettes avec la viande réchauffée…

Tourte du bois des morts

La Dame du givre a effleuré de sa cape le corps de la terre. Les corneilles ont migré en bande devant le grand froid qui s’avance. Au chaud du sol les végétaux s’enfoncent encore un peu plus, au creux douillet de la terre câline. As-tu pensé à glaner dans es sous-bois ? As-tu récolté les trompettes des morts, qui en chœur te chanteront des mélopées nocturnes aux soirs de ton foyer ? A l’image du refuge souterrain où dormiront les feuilles de l’an prochain, prépare une tourte : pâte dessous, pâte dessus et trésors en dormance au-dedans…

Que le blé de l’été, devenu blanche et fine poudre, pleuve en ton chaudron de terre. Tires-en 200 gr. pour cette fois et fais pleuvoir pour l’y mêler autant de bonne farine de châtaigne. Découpe 100 gr. de beurre salé en petits morceaux et écoute le son qu’ils produisent en tombant un à un dans la farine comme tu écoutes, l’hiver, le bruit de tes pas dans la neige avec émerveillement. Emiette le beurre en le mêlant à la farine. Lorsque tout cela est unifié comme du sable, creuse par le milieu et verse 170 gr. d’eau à température de la pièce. Tourne en spirale en chantonnant ton désir et continue en pétrissant. Offre lui à présent du repos, pour la moitié d’une heure.

Brosse les trompettes des morts en écoutant les histoires boisées, les murmures d’humus que leurs parfums et leurs textures ont à te raconter.

Beurre et farine ton moule à tarte puis étale sur le fond la moitié de ta pâte avant de la piquer un peu et d’étaler du yaourt de lait de brebis. Dispose comme il te chante de très fines rondelles d’oignon doux sur ce fond. Un nuage de poivre noir ajoutera un peu de nuit, une petite couronne de fleurs de marjolaine séchées viendra sceller le cercle.

Aux salamandres de chauffer le four bien chaudement… qu’elles le fassent monter à 260°c. Mets les champignons à rissoler doucement dans une sauteuse à couvercle avec quelques grains de sel et sept cuillères à soupe de vin rouge, ce sang de la terre. Ecoute les étuver et ricaner sous le couvercle, mais quelques minutes seulement, un instant afin qu’ils ne dessèchent.

Pose-les sur le fond de tarte et recouvre du reste de pâte étalé. Orne-le selon ton plaisir inspiré, à la pointe d’un couteau et confie-le à la caverne du feu pendant vingt-cinq minutes. Si tu aimes jouer avec le feu, tu peux aussi, cinq ou dix minutes avant la fin de la cuisson, badigeonner la tourte de lait. Doré sera le trésor du bois des morts… Doré au-dehors comme un soleil d’hiver, noir en dedans pour qui pénètrera son mystère réconfortant…

(c) Lalie Solune

Soupe de la glaneuse des bois

Dans un chaudron de cuivre, au retour de la forêt tu pourras mêler en soupe rustique les trésors des bois. Mais passe d’abord par le potager afin de quérir de belles bettes aux feuilles vertes. Puis allume ta cheminée pour rôtir les châtaignes que tu as glanées en cette belle journée. Ta précieuse récolte de champignons tu peux alors secouer et nettoyer en toute délicatesse. Rends leur liberté aux limaces et aux vers s’il en est, mais loin de ton beau potager. Fais fondre dans ton chaudron les bettes nettoyées, ajoute les champignons, de l’eau de source et les châtaignes pelées et concassées. Ajoute en souriant une ou deux baies de genièvre, quelques grains de sel et un peu de poivre. C’est à toi à présent de savoir touiller et humer, observer et retirer de la cheminée…

(c) Lalie Solune

Goulash de cèpes

Entre deux récoltes d’automne, la sorcière avisée rassemble un moment ses énergies et ses ingrédients.

Elle choisit un beau chaudron, prépare des oignons en quantité similaire à celle des cèpes ou des bolets qu’elle a récolté, les émince en fredonnant puis, après les avoir remercié les bulbes pour leurs propriétés anti-rhume, la larme à l’oeil, elle va se laver les mains. Ce sont eux qu’à présent elle va faire chantonner tout doucement dans de l’huile pour les faire fondre. Si tu veux suivre ses pas, fais de même et ajoute, une fois les oignons fondus, des morceaux de pommes de terres pelées, de celles qui restent fermes à la mitonnade.

Laisse la magie s’opérer tout doucement sous le couvercle, le temps de brosser les champignons avec tendresse. Si le jardin le permet, ajoute une ou deux carottes coupées en petits morceaux, une toute petite pincée de grains de carvi, une baie de genièvre, une feuille de laurier séchée, un peu de sauge, de la marjolaine à ta volonté et quelques grains de poivre noir concassés. Pour parfaire le mijoté, verse une raisonnable pincée de sel et la belle quantité de champignons brossés et découpés. Que le feu ensuite se fasse doux, le plus doux possible, car qui veut mitonner longtemps ménage sa flamme pour qu’elle dure. Le couvercle posé là-dessus, tu pourras une heure durant retourner à tes récoltes de pommes, de poires, de noisettes, de cenelles, de pommes de terre ou de noix…

Le chaudron retiré du feu mérite bien, pour ce travail, une cuillerée de crème sure et du repos jusqu’au repas. Après le crépuscule du soir, après avoir contemplé l’or des cieux qui coule sur les feuillages ambrés, tu viendras réchauffer ce goulash des sous-bois afin de le déguster et, bien sûr, de le partager.

 

(c) Lalie Solune

Mil mêlé de champignons

Le mil, le doux millet aux petits grains dorés, au fond de ton chaudron sera d’abord chauffé puis arrosé de deux fois plus d’eau que la place qu’il prend au fond de ton chaudron, pour pouvoir mijoter tout tranquillement tandis que, dans ta poêle, tu feras bronzer de l’oignon émincé saupoudré d’un tout petit peu de coriandre, avant de lui adjoindre les champignons des bois sortis de leur bocal et dûment rincés, puis dûment sautés à feu très vif, à langue joueuse de salamandre qui boira leur eau.

Mêli-mélo, verse ce que la salamandre aura laissé dans les grains cuits et bien gonflés.

Mêli-mélo de ta cuillère en bois et d’un peu de yaourt nature, d’une pincée de sel, d’un nuage de poivre…

Quand au fond de l’esprit de la préparation, je te laisse juge, en toute liberté, comme de bien entendu…

(c) Lalie Solune

Risotto automnal.

La sorcière se glisse subrepticement dans sa cuisine et aussi vite que deux et deux font quatre, elle remplit d’eau un chaudron (deux à trois litres, selon la quantité de riz), y jette du basilic (avant que l’automne ne lui vole ce plaisir), de l’origan, du thym et un peu de sel. Pendant que sa décoction chauffe doucement, elle coupe deux oignons, deux ou trois carottes, quelques cèpes, écrase un peu d’ail et jette le tout dans un autre chaudron, avec une bonne dose d’huile d’olive.
Elle mêle, touille et laisse cuire ses ingrédients, ajoute un peu de poivre, un peu de sel aussi, mais pas trop (car il ne faut pas oublier que le bouillon est déjà salé), Et quand elle voit que les champignons sont quasiment cuits, elle ajoute dans son chaudron deux belles mesures de riz tout rond.
Pendant deux bonnes minutes elle ne laisse pas en repos ces capricieux grains de riz et les fait rouler sans relâche, jusqu’à ce qu’ils deviennent transparents. Ensuite seulement elle verse sur eux quelques louches de bouillon, pas tout d’un coup, juste de quoi les recouvrir.
Alors elle n’aura de cesse de surveiller et de mêler tout ce beau monde car le sieur risotto est capricieux et il aime la compagnie, il ne faut jamais le laisser seul, sinon ce fainéant fait des bêtises. Aussi, pour l’en empêcher, mieux vaut le mélanger souvent et veiller à ce que jamais ce perpétuel assoiffé ne manque d’eau, ni d’ailleurs n’en ait trop.
Mais la sorcière est patiente, elle a tout le temps, elle peut bien accorder vingt minutes à ce met savoureux. Pour s’occuper elle y ajoute quelques morceaux de châtaignes et, à mi-cuisson, une rasade de vin blanc.
Quand les vingt minutes approchent de leur terme, elle cesse de rajouter de l’eau, laisse boire le riz tout son content et le reste de l’eau s’évaporer. Puis, cela fait, elle ajoute, presque à la toute fin, une cuillère de crème fraîche (si le cœur lui en dit, la crème c’est une question de goût) et surtout une pluie de parmesan (à cela par contre pas moyen d’échapper).
Elle mêle le tout une dernière fois et laisse le risotto se reposer un moment avant d’être dégusté, parce qu’après tout il l’a bien mérité.

(c) Sara Strega