Mamma mia !

« La cuisine. La cucina, notre vraie mère patrie, la grotte chaude de la bonne sorcière au fin fond du pays désolé de la solitude, ses chaudrons pleins de délicieuses potions qui mijotent sur le feu, une caverne d’herbes magiques, le thym et le romarin, la sauge et l’origan, le baume du lotus qui rend la raison aux aliénés, la paix aux angoissés, la joie aux affligés, cet univers exigu et clos, les fourneaux en guise d’autel, le cercle magique de la nappe à carreaux où les enfants se nourrissaient, ces vieux enfants ramenés à leurs débuts, car le goût du lait maternel hantait toujours leur mémoire, son parfum s’attardaient dans leurs narines, leurs yeux se mettaient à briller, et la méchanceté du monde s’évanouissait quand la vieille sorcière maternelle protégeait sa progéniture contre les loups qui rôdaient au-dehors. »

John Fante Les Compagnons de la grappe, traduit par Brice Mathieussent, éd. 1018.

Pâte feuilletée

La pâte feuilletée a la réputation d’être difficile à faire. Je lui trouve ceci de commun avec l’exploration de l’âme, avec la magie, qu’elle n’est, au fond, pas compliquée en soi, mais qu’elle demande persévérance, patience, attention, elle demande de lui consacrer du temps et un espace, elle demande constance dans l’action comme dans l’inaction…Elle offre ainsi un excellent moment de concentration, voire de méditation, où l’esprit et le corps harmonisent leurs actions.

 

Pour environ 500 gr. de pâte feuilletée

 

Verse 250 gr. de farine assaisonnée d’une pincée de sel, afin d’avoir une base nourrissante et purifiée. Creuse un puits, car il faut toujours tâcher d’aller au fond des choses, et verse 250 ml. d’eau (soit 25 cl) progressivement, en travaillant la pâte légèrement, du bout des doigts, jusqu’à obtenir une boule. Incise sur la boule une croix et la laisse poser une 1/2 heure au frais.

Etale la pâte en respectant les incisions de façon à obtenir une croix. Veille à garder une épaisseur de pâte plus importante au centre de la croix. Dépose 185 gr. de beurre chambré et, si besoin est, légèrement malaxé entre tes doigts agiles, puis coupé en petits morceaux. Prends soin de ne laisser aucun morceau avec des « angles », afin de limiter les possibilités qu’ils ne percent la pâte.

Replie les branches de la croix sur le beurre, la dernière étant celle qui est « en bas », devant toi (à rabattre vers le haut) et étale de bas en haut et de haut en bas devant toi. Tourne la pâte d’un quart de tour, rabat le côté gauche, rabat le côté droit et étale de nouveau dans le même sens. Voilà. Un tour est fait.

Tourne de nouveau la pâte d’un quart de tour, rabat le côté gauche, puis le côté droit et étale de nouveau, toujours de haut en bas et de bas en haut. Tourne et repli encore une fois la pâte puis laisse-la poser au frais pendant une heure.

 

Encore deux tours, de la même façon, et encore un repos bien mérité pour la douce pâte pendant une bonne demie-heure.

 

Puis procède aux cinquième et le sixième tours. Remets à poser au frais pendant une bonne heure.

 

Ressort la pâte du frais et étale-la sans trop l’écraser afin qu’elle ait une épaisseur suffisante et assez d’espace pour lever et feuilleter. Dorée, elle pourra alors croustiller…

 

(c) Lalie Solune

 

Salade de lentilles

Trie des lentilles vertes en prenant soin de ne pas le faire près de l’âtre. Verse-les dans une marmite avec trois fois leur volume d’eau froide, allume un feu tempéré là-dessous et laisse-les tranquilles pendant 20 minutes. Tu peux aussi les regarder bouillonner pendant ce temps-là en respirant le plus calmement possible, même avec la vapeur. Je le déconseille si tu es enrhumé…

Egoutte les lentilles cuites en gardant l’eau de cuisson pour faire une soupe, passe-les à l’eau froide.
Dans un grand saladier, mélange de l’échalote émincée ou encore de la cive, du raifort, du vinaigre de cidre, de l’huile de sésame ou de lin, de l’aneth, de la marjolaine, du sel, du poivre et des cornichons marinés aux herbes dits malosols coupés en tout petits morceaux. Ajoute les lentilles et touille bien.
Laisse mariner un petit moment avant de l’emporter dehors pour le partager au soleil…

(c) Lalie Solune

Entre une mauvaise cuisinière et une empoisonneuse, il n’y a qu’une différence d’intention.

Pierre Desproges

Gravlax

La chair lumineuse du saumon, pour cette fête ensoleillée.

Pour 450 gr. de filet de saumon dépecé, mêle deux cuillères à soupe de gros sel marin et deux cuillères à soupe de sucre avec quatre ou cinq cuillères d’aneth ciselé. Enrobe-en la chair de poisson dans un récipient (ou une barquette qui reste d’un achat, autant qu’elles soient utiles), ou une boîte, que tu fermes de son couvercle ou bien d’un film alimentaire ou de son équivalent naturel avant de poser un beau caillou plat dessus et de déposer au frais. Laisse mariner deux jours. Au jour de le manger, vide le jus, passe sous l’eau et sèche délicatement. Découpe en fines lamelles à partager.

 

(c) Lalie Solune

 

« Si vous n’êtes pas capable de sorcellerie, ce n’est pas la peine de vous mêler de cuisine. »

Colette

Pâte à tarte

Dans une terrine ou saladier, un chaudron de cristal ou un bol géant, verse en pluie 250 gr. de farine de blé blanche et fluide. Coupe 125 gr. de beurre salé ou pas, mais en tous cas un peu chambré afin qu’il ne soit pas trop froid, en petits morceaux que tu jetteras dans la farine qui fera « pof! »… Émiette tendrement du bout de tes doigts de fae, c’est à dire les plus fins et les mieux intentionnés, les morceaux de beurre dans la farine. Le beurre rendra la farine peu à peu granuleuse. Observe ses transformations et joue avec elle. Lorsque cet ensemble aura une texture presque sableuse, que les miettes de beurre se seront mêlées à la farine fluide de sorte que l’ensemble soit comme un sable épais des rivages du pays des rêves, creuse un puits au centre, verse une petite pincée de sel marin (si tu as utilisé un beurre sans sel) et 80 dl. d’eau à température ambiante. Saisis-toi de ta plus belle spatule en bois et délaye la pâte en chantonnant, par des mouvements en spirales. Pétris, fais une boule grossière et laisse la poser une demie heure sous un chiffon propre et joli.

Tu n’auras ensuite plus qu’à étaler et à garnir de fruits ou légumes, de sucré ou de salé.

Pour les tourtes, c’est la même chose, il suffit juste d’augmenter un peu les proportions, l’essentiel restant qu’il faut la moitié du poids de la farine en beurre et que l’eau ne doit pas noyer la pâte…

 

(c) Lalie Solune