Les perce-neige ont effleuré le bout du nez de la vieille sorcière hiver, les salamandres et les grenouilles qui migraient vers leurs amourettes ont passé sur ses pieds noueux, qui se sont dénoués, les oiseaux revigorés ont piaillé et tournoyé autour de sa tête… la voilà métamorphosée, la voici rajeunie !
Bientôt, sorcière hiver sera devenue fée printanière. Mais quelque chose de blanc comme neige en son jardin luit, dans un écrin de vertes feuilles… Elle le cueille, le tourne en tous sens, c’est un chou comme ceux de l’hiver, une fleur comme celles du printemps.
Mi-fée mi-sorcière, elle l’emporte dans sa chaumière et en défait les feuilles qui nourriront les bêtes. Chaque part de la pomme est un petit bouquet à détacher, ce que fait la sorcière. Elle les plonge dans l’eau froide du chaudron qu’elle pose sur le feu pour les cuire jusqu’à ce que tendreté côtoie fermeté.
La fée fouine dans son panier à échalotes et en retire une bonne quantité, la sorcière sort son grand couteau pour les peler et les émincer. Si elle s’y prend tranquillement, pour les trouver et les apprêter, la vingtaine de minutes utiles à la cuisson du chou-fleur y suffira… Plat du four, rend-lui service en ce jour ! Accueille les échalottes et quelques copeaux de beurre, une bonne pincée de sarriette séchée de l’été passé et le chou-fleur égoutté.
La sorcière tire de derrière les fagots un beau flacon de cidre. Les pommes de Samhain ont bien fermenté, la boisson est prête à déguster. Tout de même, la fée encore un peu sorcière goûte le breuvage, on ne sait jamais… S’il est parfait, elle en arrose généreusement le plat, de sorte que les légumes baignent. La gueule ouverte du four accueille cette offrande pour la transfigurer. Petites bulles de bouillon, fonte douce des échalottes… c’est trois fois dix minutes à consacrer la table avec les premières fleurs et les premiers chatons avant l’arrivée des ses amis, eux aussi transformés par le seuil de la saison.
(c) Lalie Solune