Chou-fleur au cidre

Les perce-neige ont effleuré le bout du nez de la vieille sorcière hiver, les salamandres et les grenouilles qui migraient vers leurs amourettes ont passé sur ses pieds noueux, qui se sont dénoués, les oiseaux revigorés ont piaillé et tournoyé autour de sa tête… la voilà métamorphosée, la voici rajeunie !

Bientôt, sorcière hiver sera devenue fée printanière. Mais quelque chose de blanc comme neige en son jardin luit, dans un écrin de vertes feuilles… Elle le cueille, le tourne en tous sens, c’est un chou comme ceux de l’hiver, une fleur comme celles du printemps.

Mi-fée mi-sorcière, elle l’emporte dans sa chaumière et en défait les feuilles qui nourriront les bêtes. Chaque part de la pomme est un petit bouquet à détacher, ce que fait la sorcière. Elle les plonge dans l’eau froide du chaudron qu’elle pose sur le feu pour les cuire jusqu’à ce que tendreté côtoie fermeté.

La fée fouine dans son panier à échalotes et en retire une bonne quantité, la sorcière sort son grand couteau pour les peler et les émincer. Si elle s’y prend tranquillement, pour les trouver et les apprêter, la vingtaine de minutes utiles à la cuisson du chou-fleur y suffira… Plat du four, rend-lui service en ce jour ! Accueille les échalottes et quelques copeaux de beurre, une bonne pincée de sarriette séchée de l’été passé et le chou-fleur égoutté.

La sorcière tire de derrière les fagots un beau flacon de cidre. Les pommes de Samhain ont bien fermenté, la boisson est prête à déguster. Tout de même, la fée encore un peu sorcière goûte le breuvage, on ne sait jamais… S’il est parfait, elle en arrose généreusement le plat, de sorte que les légumes baignent. La gueule ouverte du four accueille cette offrande pour la transfigurer. Petites bulles de bouillon, fonte douce des échalottes… c’est trois fois dix minutes à consacrer la table avec les premières fleurs et les premiers chatons avant l’arrivée des ses amis, eux aussi transformés par le seuil de la saison.

 

(c) Lalie Solune

Beignets breizhous aux pommes

Pour ces beignets, commence par convier cinq compères et commères de bon aloi et bonne compagnie.

Avec leur participation, que ce soit par le geste ou la seule conversation, qu’une livre de pommes sorties de la réserve, lavée, pelée et à la fin évidée avant d’être râpée.

Pendant ce temps ou bien encore après, il s’agit de mélanger dans une terrine de fête une livre de farine blanche comme la neige qui tombe peut-être encore, 200 gr. de sucre brun comme la terre qui dort en-dessous, cinq œufs gentement cédés par quelques généreuses poules, une cuillère à soupe d’huile et trois quart de litre de lait, tout cela bien touillé et puis mélangé aux pommes râpées à la lueur des chandelles, des sourires et des chants d’ouverture de la période de Carnaval…

Graisse une poêle de la façon suivante : un peu d’huile frottée avec le chiffon à huile, un peu de beurre vite fondu à la chaleur. Puis étale une mince couche de cette pâte qui va cuire, être retournée et cuire encore avant d’être goûtée dans son état de beignet : chaud, sucré et arrosé d’une bolée de cidre nouveau.

(c) Lalie Solune

 

Far aux pruneaux

Une lichouserie bretonne pour 6 gourmands…

 

Dans un grand saladier bleu et blanc ou une grande terrine brune, tamise 250 grammes de belle farine blanche et verse 250 gr. de bon vieux sucre de canne roux.

Bois un petit verre de délicieux rhum de Marie-Galante (du 65°, sinon rien!) en l’honneur des vaisseaux qui revenaient des Antilles et en chantant une chanson de marin sans omettre de mélanger les ingrédients de la main qui reste libre.

Bats quatre oeufs, non pas comme plâtre, sabot d’bouc !, mais comme une omelette… pas compliqué, ça… Tiens-toi droit et fais un puits au milieu de la farine sucrée pour y verser les oeufs, Une petite cuillère d’huile, une pincée de sel marin et puis, progressivement, en touillant (d’où l’importance d’avoir asséché la bolée) un litre de bon lait de vache frais et tout blanc. Continue en chantant jusqu’à ce que la pâte onctueuse et fluide apparaisse sous ta cuiller en bois comme par enchantement.

Là, tu peux pousser une exclamation émerveillée.

Avant de continuer : saisis-toi de quelques pruneaux et roule-les dans la farine.

Beurre et farine un plat, verse la pâte dedans et puis les pruneaux dans la pâte. Où l’on voit l’importance de n’avoir bu qu’un seul verre de rhum, corneguidouille !

Enfourne à 200°C (Oyez ! Par-delà l’océan ! à 400°F !) et laisse cuire une heure pendant laquelle tu peux boire ce que tu veux en regardant le far gonfler, gonfler, gonfler…

 

C’est beau et c’est chaud…

Ensuite, lorsqu’il est doré, c’est bon, mais c’est chaud…

 

(c) Lalie Solune

Crêpes lunaires

La sorcelière ayant observé la course de la lune met à tiédir doucement trois quart de litre de ce bon liquide fortifiant béni par Brigit qu’est le lait. La sorceresse ayant contemplé la sylphe danse des flocons tamise dans un plat très creux trois cents grammes de blanche farine. La sorcière s’étant recueillie en gratitude envers la terre mère jette dedans la farine une pincée de sel.

Puis lentement, très doucement, comme le perce-neige qui pointe, elle verse le lait en remuant de son fouet. Alors elle ajoute deux beaux œufs et fouette l’onctueux liquide qu’elle laissera reposer parfois quelques heures, parfois jusqu’au lendemain, en un lieu un peu frais, recouvert d’un beau linge qui l’abrite des poussières.

Au moment du partage, elle remue une fois encore la pâte et chauffe son billig en le frottant de beurre. Elle verse un peu de liquide et l’étale finement. C’est le moyen le plus vivant qu’elle connaisse pour faire de la croustillante dentelle lunaire.

Jamais sorcelière ne manque de donner la première aux fées et aux oiseaux, aux farfadets et aux petits animaux…

(c) Lalie Solune

Raie au chou

(pour deux ou trois)

 

Saisis toi d’une tête de chou tout vert et bien frisé et prélève-lui gentiment 150 gr de sa chevelure.

Lave ces feuilles, plonge-les dans l’eau froide et porte à ébullition un bref instant pour les blanchir.

Egoutte et recommence une fois.

Une pointe de bicarbonate de soude dans l’eau sera bienvenue pour les estomacs sensibles.

 

Mets le four à chauffer et dépouille 600 gr. d’aile de raie qu’un pêcheur bien avisé t’aura rapportée à l’instant.

Beurre un plat à gratin, cela va sans dire, au beurre salé, on cuisine ainsi breton ou bien on cuisine tout autre chose… tapisse son fond en comptant une échalote grise par personne, que tu hacheras et mêleras à du persil haché.

Vert-de gris de l’hiver, nous voilà. Vert-de-gris de l’eau froide en mer…

A présent, étale le chou coupé dans le plat, pose le poisson par dessus et arrose de vin blanc. Avec générosité. Sinon, à quoi bon ?

Ajoute 15 gr. de beurre salé – faut-il encore le dire ? – coupé en petits morceaux.

Laisse cuire environ 10 minutes à 230°C.

Prélève 2 c.s. de jus de cuisson et mélange-le à de la crème fraîche.

Arrose le plat de ce jus, ajoute encore 15 gr. de beurre car on ne s’en lasse pas au bout des terres…

Poivre et remets encore au four pour 6 à 7 minutes.

 

(c) Lalie Solune

 

Petit précis de cuisine elfique

Un très beau livre édité dans la collection « Avis de tempête » par Au Bord des Continents

Les textes et recettes sont de Laurence Germain, les calligraphies et peintures sont de Yannick Germain

 

« Il fut dit que lorsque humanerie tiendrait nourrissement en grand oubliement le livre des mangeries un des leurs découvrit »

Tout commence par la découverte d’un grimoire : le Petit Précis de cuisine elfique, légué dans une cachette par un « lutin gourmet et marmouset de grande renommée », car les hommes « sont en péril de malevie » et « perdent le goût »…

Chaque recoin de page de ce livre est une véritable oeuvre d’art et les recettes qu’il contient, si l’elfique fantaisie guide leur écriture et si l’admiration des pages peut vous envoûter au point de n’avoir plus le temps que de vous faire deux tartines, n’en sont pas moins de vraies recettes, données dans l’ordre saisonnier, même s’il faut n’être point craintif du sable pour essayer la recette des moules façon Tud-Gommon (ce que je suis prête à essayer à la première occasion venue, et si elle se présente, je vous dirai ce qu’il en est) ou si la recette d’escargots du Droug Speret (mi loup-garou, mi surmulot) me semble fort facétieuse… Vous y trouverez, entre autres : Flastrennée de fèves fraîches des fées follettes pour le printemps, délices de souperise pour l’été, sandre aux cèpes pour l’automne et le fameux Croquenfarce de Maît Jean pour l’hiver…

 

(c) Lalie Solune