Gargantuesque ragoût slave

Pour 15 personnes… Enfin, ça c’est que nous avions dit au boucher, vu qu’on pensait bien être 18…. Nous en avons donc bien eu pour 17 personnes, parmi lesquelles bon nombre s’est resservi. Ça fait plaisir et ça donne une idée sur la différence d’évaluation des quantités entre un boucher professionnel et un humain ordinaire. Si vous invitez des maçons ou des bûcherons, par exemple, qui ont passé une rude journée d’hiver à bosser dehors, faites confiance aux proportions du boucher. Si vous invitez des ogres, doublez les doses… Je pense honnêtement que pour un repas complet (avec entrées, fromage et dessert), les proportions données ci-dessous peuvent raisonnablement être divisées par deux pour une petite dizaine de convives.

J’ai eu le bonheur de bénéficier d’aide, ce qui est précieux, appréciable et franchement gentil, surtout lorsqu’il s’agit de peler et d’émincer 4,3 kilos d’oignons. Car pour le ragoût slave, autrement connu sous le nom de Goulasch (au masculin ou au féminin, comme ça vous chante) comme me l’ont expliqué deux aimables vieilles dames moraves autour d’un thé au Rhum, le grand mystère réside dans l’oignon… non, je m’égare, ce n’est pas un mystère, mais l’astuce c’est de mettre le même poids d’oignons que de viande. Ou de champignons si vous le faites aux bolets ou aux cèpes, version végétarienne.

Ces oignons sont donc mis à fondre doucement à couvert, dans deux marmites recueillant chacune la moitié des ingrédients, avec 14 gousses d’ail pelées, 2 feuilles de laurier, une bonne pincée de racine de livèche, 4 grosses poignées de fleurs de marjolaine, 2 bonnes pincées de grains de cumin et du sel. Et il faut laisser fondre et réduire doucement. Pour cette quantité, l’opération a duré presque une heure. Garde à l’esprit que plus la quantité est grande, plus le temps de cuisson augmente.

Pendant ce temps-là il y avait 4,3 kilos de bœuf à découper en petits morceaux, mélange de gîte et de macreuse.

Lorsque les oignons ont semblé correctement fondus, baignant dans leur propre jus, ils ont été mis de côté dans des saladiers afin que les marmites soient libres pour faire revenir la viande à feu vif et la poivrer au passage, en la touillant. Puis les oignons ont recouvert cette chair sacrificielle, rejoints par les petits morceaux d’un panais (un demi panais par marmite) et le tout est resté à mijoter sous couvercle à feu doux une heure trois quart. Ensuite il était temps d’aller dormir. C’était bien mérité.

Le lendemain matin, chaque marmite a bénéficié de nouveau d’une heure et demie de cuisson. La viande, en restant à se refroidir et recuisant, peut ainsi se relâcher et devenir de plus en plus tendre, tout comme dans n’importe quel mijoté traditionnel des familles, le Bœuf Bourguignon, par exemple.

Avant de remettre à cuire de nouveau pour une bonne heure et demie en début de soirée, j’ai ajouté cette sauce un peu spéciale :

Pour chaque marmite 2 cuillères à soupe de coulis de tomates maison de la petite mère du sud (4 cs en tout) dans lequel ont été mélangés quelques menus morceaux de cornichons aux herbes, et une bonne dose de paprika doux.

Le plat a été servi chaud avec des pommes de terre à l’eau et un joli récipient de paprika fort pour qui en voulait.

 

(c)Lalie Solune

 

Petits pains des dragons

Pour fêter l’apogée du soleil en toute convivialité, j’ai fait appel à Drakomir, un dragonnet venu des Balkans… Voici ce que son haleine brûlante et quelque peu moirée de senteurs de Rakia m’a soufflé à l’oreille :

Pour faire six petits pains, tu dois te concentrer et, puisque c’est la saison chaude, tu peux cuire tes fournées la nuit, elle est si courte, de toute façon… Tu dois aussi préparer ta levure avec attention en délayant 35 gr dans un petit verre d’eau tiède.
La farine blanche, issue des récoltes qui très bientôt vont recommencer, tu en prendras une petite colline d’une livre et au milieu de cette colline aux flancs purs et courbe comme la mère qui nous nourrit tous, tu formeras un puits. Alors tu versera dans le puits le liant : la moitié de la quantité précédente en petits morceaux de beurre auxquels tu ajouteras six jaunes d’œufs frais du jour*, deux pincées de sel marin et un verre de crème sure avant d’ajouter la levure. Alors, agis rapidement, bats des ailes doucement et amalgame tout cela bien vite avant de pétrir tendrement, avec la tendresse des dragons, une tendresse énergique et sautillante. Ensuite, souviens-toi de la pâte feuilletée et mêmement fais avec cette pâte trois tours bien menés. Laisse la alors poser au tiède 2 à 3 heures durant. Le temps de faire un tour dans le vent, d’aller taquiner les Bereguini et de revenir en riant.
Il sera temps de faire dorer dans une poêle chauffée du beurre et par-dessus cinq cuillères à soupe de chapelure : une pour la terre, une pour le vent, une pour l’eau, une pour le cœur de dragon qui monte au ciel bien haut, une pour le plaisir. Avec cela un verre de crème fraîche, deux jaunes d’œufs, deux cuillères à soupe d’estragon haché et deux blancs en neige ferme pour parfaire cette garniture.
Étale la pâte en une abaisse aussi mince que possible, tapisse-la de garniture et roule-la bien serrée.
Sur la plaque du four, pose la et laisse pendant une heure
Alors et enfin, badigeonne de jaune d’œuf* délayé dans l’eau et laisse cuire une heure moins cinq minutes à température médiane…

petits_pains_des_dragons

* et de tous ces jaunes d’œufs garde les blancs
pour faire plaisir aux enfants
petits et grands
qui se damneraient
pour de la pâte d’amande 
bien préparée…

(C) Lalie Solune