Doigts de Baba Yaga

Les pommes de terre* de la sombre terre tirées seront cuites à l’eau, pelées et râpées.

La farine*, blancheur surgie des profondeurs, sera dessus déversée.

La semoule fine de blé* qui garde les solaires reflets leur sera mêlée.

Un oeuf de poule noire sera cassé.

Une pincée de sel pour tout protéger.

Alors ce sera à tes mains de pétrir, pétrir et repétrir.

Au creux de ta paume (gauche ou droite? à toi de choisir) un peu de pâte déposée que l’autre main, n’ignorant pas ce qu’elle fait, roulera en forme de petits doigts mignons.

Dans ton chaudron d’eau bouillante salée, sans un soupir, sans un regret, ces petits doigts tu jetteras afin de les ébouillanter*.

Puis égouttés, dans une grasse poêle beurrée seront dorés.

Pleuvront alors les graines de pavot que tu auras auparavant comptées.

Un fromage frais très égoutté viendra tout compléter.

Du sucre glace pour les petites fées

qui ne craignent ni le froid ni la Baba Yaga.

 

*1 kg de pommes de terre : choisis une variété qui rend le moins d’eau possible, du type de celle que j’entendais nommer lorsque j’étais enfant « vieilles », ce sont les plus appropriées. Quelles qu’elles soient, à moins d’être assuré de ton résultat, prends soin de les égoutter une fois râpées.

*120 gr. de farine

* 100 gr. de semoule de blé fine

* environ 8 minutes de cuisson à l’eau

(c) Lalie Solune

 

 

Jus de citrouille contre la trouille

Avant la nuit où sortiront toutes les sorcières de l’ombre, les unseelies et les korriks, prépare un breuvage bénéfique pour qui doit traverser les ténèbres, affronter les premiers souffles gelés et les créatures de la nuit.

Ainsi, rassemble en ton antre 150 à 200 gr. de chair de citrouille, ou à défaut, de potiron, la chair et la peau d’une pomme et un morceau de gingembre de la taille que tu souhaites.
Râpe bien fin ces cadeaux de l’automne au-dessus de ton chaudron qui recueillera chairs et jus.
Puis recouvre d’eau de source, un peu moins d’un litre, et pose couvercle là-dessus.
Laisse le chaudron de cuivre et le temps opérer la synergie. Le temps de lancer une flambée dans la cheminée, de préparer autre chose à offrir ou de danser la polka tout autour de la maison en déposant sur les portes de petites protections…
Passe alors dans l’étamine, ajoute une bonne cuillère à soupe de miel d’acacia et un peu de jus de citron. Si, et seulement si, le Duende te le souffle à l’oreille, alors soit… rajoute la plante séchée de ton choix. Mets enfin en bouteille ventrue ou en flasque biscornue.
Te voilà prête, sœurcière,  à affronter la grande nuit des esprits…

(c) Lalie Solune

halloween_Lune



Fricot de légumes-racines aux herbes

Voici la saison sombre qui s’installe, les feuilles tombées des mains de la déesse couvrent, bienveillantes, racines fines et chenues, glands et graines chus.

Le repli au chaud commence et c’est près du feu intérieur que chaque être vivant se réfugie.

Voici que pour certains arrive l’hibernation.

Pour d’autres, le chaud pelage a enflé, doux et épais.

Le scintillement du givre va s’installer.

Voici que s’annonce le temps des féeries hiémales.

Voici le temps du chaudron, le temps de l’imagination, le temps de la veillée…

Honneur aux racines, honneur à la chaleur dedans la terre, honneur aux partages près du feu.

Les légumes-racines sont entreposés, les herbes et champignons séchées, l’eau de la source se fait mordante, il faut vouloir la capturer.

Lumignons, chandelles et lanternes sont allumés.

Oignons pelés et émincés, betteraves crues tranchées, conserve leurs pelures pour teinturlurer.

Carottes et pommes de terre en morceaux débitées, rutabagas en cubes coupés, garde leurs épluchures pour aux animaux les donner.

Dans ton chaudron, ces légumes-racines tu vas poser, avec un peu de gras, de ton choix le préféré…

Un léger flot de vin blanc de l’année et trois flots d’eau avec gratitude récoltée dans ce chaudron tu vas verser. Trois ou cinq grains de poivre, une pincée de sel marin tu peux alors ajouter. D’une feuille de sauge, d’une pincée de sarriette et d’une autre d’armoise tu vas ce mélange saupoudrer en honorant la terre de tes pensées.

Puis ton chaudron tu dois entre’fermer, une heure ou deux laisser mijoter.

Dans les fumets de ce bouillon viendra l’heure des paroles, des contes et des chansons, des réjouissances dans la maison.

Que les unseelies vous épargnent et que les ombres sorcières vous enseignent le chemin des lueurs féériques voilées et dévoilées !

 

(c) Lalie Solune

 

les portes de la longue nuit

Voici que les nuits deviennent longues, de plus en plus longues. Cette phase de l’année, qui va de la dernière semaine d’octobre jusqu’au solstice d’hiver, est celle des longues nuits. C’est à présent que la société des humains change d’heure, que les ours, entre autres, entrent en hibernation. C’est, dans certaines traditions, le commencement d’une année nouvelle, de la même façon que la journée nouvelle peut commencer au coucher du soleil qui précède le matin. De la même façon que notre existence commence dans la nuit de la matrice maternelle.
C’est l’époque des brumes, des brames qui se termine.

Eve_lentz

Icône de Robert Lenz (source)

C’est l’époque des châtaignes, des grenades, des coings et des citrouilles, des choux et des légumes-racines : rutabaga, panais, navets, carottes, betteraves et potirons, céleri-raves et potimarrons.
C’est l’époque des chrysanthèmes, ces fleurs que fait s’épanouir l’obscurité, c’est l’époque de la purification de ton intérieur où le froid bientôt te fera te replier pour l’hiver. C’est le début de la saison des contes et de l’introspection. C’est l’époque des mystères chtoniens.
C’est l’époque des fées obscures qui gèlent et racornissent les baies sur les ronciers. Mais va vers l’or de l’arbre aux quarante écus pour le recueillir et guette les premières gelées pour ta cueillette au prunellier…

(c) Lalie Solune

Muffins pommes-cannelle à la farine de châtaigne

Au-dehors les feuilles tombent… Pour les imiter, verse doucement dans une jatte des flocons de farine de châtaignes (250g), du sucre (100g), brun lui aussi pour ne pas déparer, de la cannelle, selon ton goût, et une pincée de poudre de noix de muscade. Ajoute également un sachet de levure et une pincée de sel pour éclaircir le tout, comme le fait le givre matinal.
Mêle tranquillement ces ingrédients aux couleurs automnales, pendant que fondent 75g de beurre.
Une fois le beurre fondu, adjoins-lui 25cl de lait. Remue le tout et laisse refroidir. Profites-en pour éplucher et couper deux pommes en petits morceaux, puis rajoute deux œufs battus au mélange beurre et lait.
Comme la pluie qui va recouvrir les feuilles, verse l’appareil liquide sur le sec. Mélange le tout, ajoute les pommes et, pourquoi pas, quelques éclats de noix.
Préchauffe ton four, th6/7.
Verse la pâte dans des moules à muffins et enfourne le tout pour une petite demi-heure.

(c) Sara Strega

Raie au chou

(pour deux ou trois)

 

Saisis toi d’une tête de chou tout vert et bien frisé et prélève-lui gentiment 150 gr de sa chevelure.

Lave ces feuilles, plonge-les dans l’eau froide et porte à ébullition un bref instant pour les blanchir.

Egoutte et recommence une fois.

Une pointe de bicarbonate de soude dans l’eau sera bienvenue pour les estomacs sensibles.

 

Mets le four à chauffer et dépouille 600 gr. d’aile de raie qu’un pêcheur bien avisé t’aura rapportée à l’instant.

Beurre un plat à gratin, cela va sans dire, au beurre salé, on cuisine ainsi breton ou bien on cuisine tout autre chose… tapisse son fond en comptant une échalote grise par personne, que tu hacheras et mêleras à du persil haché.

Vert-de gris de l’hiver, nous voilà. Vert-de-gris de l’eau froide en mer…

A présent, étale le chou coupé dans le plat, pose le poisson par dessus et arrose de vin blanc. Avec générosité. Sinon, à quoi bon ?

Ajoute 15 gr. de beurre salé – faut-il encore le dire ? – coupé en petits morceaux.

Laisse cuire environ 10 minutes à 230°C.

Prélève 2 c.s. de jus de cuisson et mélange-le à de la crème fraîche.

Arrose le plat de ce jus, ajoute encore 15 gr. de beurre car on ne s’en lasse pas au bout des terres…

Poivre et remets encore au four pour 6 à 7 minutes.

 

(c) Lalie Solune

 

Guide de savoir-survivre en compagnie des monstres

Ce guide de savoir-survivre, très utile à tout apprenti explorateur du domaine de l’obscur aide à rester digne et généreux même en présence de monstres, à tenir correctement sa tasse de thé, proposer les friandises adéquates et, surtout, révèle la grande incantation à la petite cuillère qui pourra vous sauver des situations les plus mortelles !

Huile d’énergie solaire

Cette huile est un mélange en synergie d’huile d’olive et d’huiles essentielles. Une fois le mélange accompli, laisse la synergie se faire quelques jours. Tu pourras la conserver dans un flacon (j’ai une préférence pour les flacons teintés). Elle est énergétisante et s’applique légèrement à l’intérieur des poignets en cas de coup de fatigue…

Pour 10 ml d’une huile d’olive d’excellente qualité, ajoute 3 gouttes d’HE de laurier noble, 5 gouttes d’HE de basilicum occinum, 5 gouttes d’HE de romarin officinal.

Tu pourras la conserver longtemps, ce qui est appréciable, grâce à l’huile d’olive qui ne rancit pas. Elle pourra donc être secourable l’hiver durant.

 

Il est également possible de faire, à la saison claire, une version culinaire de la même huile en laissant macérer quelques temps les herbes fraîches dans l’huile, avec ou sans piment…

 

(c) Lalie Solune

 

Des fluctuations de saisons… Eté indien et début d’automne

Cette année est relativement inhabituelle, l’été indien a été l’un des plus long que nous ayons eu depuis longtemps, le dragon des pluies n’a que très peu daigné parcourir nos cieux et sans doute cette bascule tardive dans l’automne est-elle aussi pour quelque chose, entre autres raisons personnelles, dans mon absence de disponibilité à poster les articles du calendrier des récoltes.

Il n’empêche qu’après les fruits de passage entre fin d’été et début d’automne, figues, noisettes et baies de sureau, mûres et premières noix, une fois les graines de pavot récoltées,

les fruits de l’automne étaient bien là:

les raisins à l’équinoxe (et les vendanges « classiques » sont bel et bien finies et, semble-t-il prometteuses, on a bel et bien bu le vert-jus et tué le cochon en Bourgogne au mois de septembre) et les poires que je trouve cette année particulièrement succulentes, les pommes sont moins nombreuses que d’autres années peut-être. Les aubépines sont couvertes de leur bijoux rouge cramoisi que sont les cenelles. L’année est particulièrement bonne pour les prunes, il reste d’ailleurs encore des quetsches et il reste encore des noix çà et là, ce qui n’est pas toujours le cas si tard dans la saison. Les premiers coloquintes et citrouilles commencent à être mûrs, mais n’anticipons pas trop…

Les betteraves rouges sont présentes dans leurs régions de prédilection depuis la fin de juillet cette année, les chou-fleurs se sont épanouis, les premiers choux verts et premiers céleri-raves peuvent parfois être dénichés mais le temps lumineux nous a prodigué poivrons et aubergines, ainsi que des courgettes jusque tout récemment, ce qui est aussi assez rare…

Il est temps, à présent que la pluie a bien voulu nous faire honneur de sa visite, de flairer dans les sous-bois les champignons d’automne : cèpes et bolets, girolles et agarics, psathyrelles et tricholomes, pleurotes et russules, lactaires et pieds-de-mouton, trompettes des morts et morilles noires…

A présent que les cerfs brament et annoncent les froides brumes, les écureuils s’activent pour finir leurs provisions… Laissons-nous charmer par les couleurs profondes, les puissants contrastes d’ombres et lumières, et la générosité vertumnéenne.

 

(c) Lalie Solune

Soupe aux carottes d’entre deux saisons…

Dans ton chaudron fais roussir deux oignons, dans l’huile d’olive, cela va sans dire. Il faut du soleil quand l’automne s’installe.
Quand leur couleur se fait satisfaisante, ajoute un peu de poudre de curry et vite, très vite, mélange bien. Prends garde de ne laisser les épices brûler, rajoute de l’eau, très chaude, presque aussitôt.
Ouf, tu peux souffler et ajouter tranquillement d’autres épices dans l’eau de cuisson. Du curry, encore, sois toujours généreuse avec le curry, de l’origan séché et de la coriandre, un peu de paprika ou de piment fort ou doux. Puis sel et poivre, bien entendu…
Viennent ensuite les légumes, carottes d’abord et pommes de terre, un poivron rouge et des tomates. Mais cette soupe évolue avec la saison… Quand l’automne est bien installé, le poivron disparaît, on rajoute une pomme de terre, les tomates, elles, sont en conserves, à moins que tu n’aies pris la peine de préparer du concentré maison pendant l’été, sinon tu peux bien sûr les oublier aussi.
Si le cœur t’en dit, ajoute des champignons en tout début de cuisson, avec les oignons.
Laisse ta soupe cuire lentement, à feu doux. Si, quand tu la goûtes en fin de cuisson, elle te paraît trop acide, ne grommelle pas après les tomates ou le poivron, ajoute plutôt deux sucres ou une cuillère de crème.
Pendant que ta soupe mijote, fais légèrement griller au four des tranches de pain, sors-les, tartines-les, très légèrement, de miel, ajoute du fromage de chèvre et remets-les à griller. Rien de mieux avec la soupe au curry.

Bon appétit !

(c) Sara Strega.