Abondance et frugalité

Après la Chandeleur, qui est aussi la fête de Brigit en Irlande, après cette période d’agnelage, arrivent la fête des amoureux et la période des jours gras qui se clôt cette année le 16 février et porte bien son nom : beignets, bugnes, gâteaux, petits pains et pâtes d’amande, mille friandises et myriade de danses marquent cette période où l’ours sort de son hibernation et qui se termine par le bûcher de Carnaval. Tandis que les Chinois fêtent leur nouvel an, qui est retour du printemps. C’est ensuite que les chrétiens observent le carême, c’est alors que les gens de ce climat-ci, dépendants des produits de leur terre mesuraient leurs réserves hivernales et, prévoyants, tâchaient de les préserver, sachant très bien que mars encore pouvait être gelé et neigeux, qu’avril pouvait être froid, que les pousses printanières sont fragiles et que les feuilles tendres, si bénéfiques soient-elles, ne nourrissent pas tout le monde à elles seules et qu’il en faut pour tout le monde.

C’est alors, également, qu’on laisse les poussins éclore, et qu’on attend que les poules aient pondu plus d’œufs, raison pour laquelle on s’abstient souvent de manger des œufs, traditionnellement jusqu’à Pâques ou Ostara, jusqu’à la lune glorieuse du printemps, afin que la basse cour fructifie et s’agrandisse. Car qui s’abstient d’œuf gagne des poules…

C’est une période qui nous montre que les ressources de la terre ne sont pas infiniment inépuisables, bien qu’elles se renouvellent volontiers. C’est une période qui nous montre que modération et abstinence au moment propice sont bénéfiques à une grande prospérité et à l’abondance.

Les feuilles jeunes et premières pousses prodiguent nourriture et énergie, doucette et pousses de pissenlit sont bien là quoiqu’encore à l’abri, parfois sous la neige…

 

Tu peux faire germer les grains récoltés lors du précédent tour de roue des saisons ou encore les cuire, tu peux griller à sec les graines de citrouilles, potirons et tous leurs cousins que tu auras lavées et mises à sécher avant Noël, tu peux les accompagner des minuscules cadeaux de la nature, qui coquets, reçoivent les premiers soins des fées sous les scintillements du froid…

(c) Lalie Solune

Beignets breizhous aux pommes

Pour ces beignets, commence par convier cinq compères et commères de bon aloi et bonne compagnie.

Avec leur participation, que ce soit par le geste ou la seule conversation, qu’une livre de pommes sorties de la réserve, lavée, pelée et à la fin évidée avant d’être râpée.

Pendant ce temps ou bien encore après, il s’agit de mélanger dans une terrine de fête une livre de farine blanche comme la neige qui tombe peut-être encore, 200 gr. de sucre brun comme la terre qui dort en-dessous, cinq œufs gentement cédés par quelques généreuses poules, une cuillère à soupe d’huile et trois quart de litre de lait, tout cela bien touillé et puis mélangé aux pommes râpées à la lueur des chandelles, des sourires et des chants d’ouverture de la période de Carnaval…

Graisse une poêle de la façon suivante : un peu d’huile frottée avec le chiffon à huile, un peu de beurre vite fondu à la chaleur. Puis étale une mince couche de cette pâte qui va cuire, être retournée et cuire encore avant d’être goûtée dans son état de beignet : chaud, sucré et arrosé d’une bolée de cidre nouveau.

(c) Lalie Solune

 

Ustensiles et outils 1 – Récipients de cuisson

La magie est souvent représentée comme quelque chose de spectaculaire. Or, si elle est capable d’impressionner profondément, elle est véritablement tout à fait autre chose, pour ne pas dire le contraire, de la poudre aux yeux, du feu d’artifice énergétique, du « m’as-tu-vu quand j’œuvre ».

Cette conception de la magie qui est la mienne, radicalement différente de l’idée d’épate, est parfaitement résumée, par exemple, par l’idée que les lutins et les fées sont insaisissables, par l’idée -tout à fait humaine- qu’ils sont petits, ce qui est vraiment une question de point de vue… et que, comme le démontrent les histoires de Korrigans « Qui veut trop n’a rien ».

La vie n’est-elle pas, d’ailleurs, faite de quotidien, lui-même tissé sur un présent à jamais et pour toujours fugace, de détails souvent ignorés par l’humain perdu dans ses fantasmes de supériorité et sa volonté de pouvoir?

Mais ce n’est pas une réflexion sur ce qu’est ou n’est pas la magie que je voudrais apporter aujourd’hui, en l’étant actuel de mon cheminement… Cette introduction m’a semblée pertinente dans la mesure où ce dont il va s’agir à présent peu sembler à beaucoup être une complaisance à pinailler sur des détails. Si, pourtant, on sait parfaitement aujourd’hui que des éléments qui ne nous sont pas ou que peu saisissables ont une influence certaine sur la santé, l’humeur et si l’on considère que nous faisons partie d’un tout, n’est-il pas légitime de se poser la question des matériaux que nous utilisons pour concocter, mijoter, rôtir, bref, pour opérer l’alchimie quotidienne des aliments nécessaires et utiles au fonctionnement de notre organisme, au sens très large du terme? Cette nouvelle lune peut être l’occasion de se tourner vers la question des récipients…

Après avoir tâché de recouper des informations venant de source diverses, néanmoins suffisamment convaincantes sur le plan scientifique, je me suis aperçue que ce que « ma tradition » donnait comme étant les matériaux les plus adéquats à une cuisine saine et respectueuse de Gaïa (la fonte et le cuivre, pour tout dire), donc propre à la pratique de la cuisine comme une part du cheminement spirituel qui nous importe ici, se recoupait avec les données actuellement connues. Je précise cependant être quelqu’un d’éminemment banal, qui mène une vie somme toute normale, ce qui fait que j’ai commencé par faire ce qu’on m’avait parfois appris et que j’ai du désapprendre, et puis j’ai essayé ce qu’on me déconseillait pour voir par moi-même. Comme tout le monde en somme, non ?

Les matériaux convenant à une cuisine qui se veut intégrée au cheminement spirituel d’une sorcière, si apprentie soit-elle, ou encore d’une personne ayant respect pour la Terre-mère sont : la terre cuite (sans revêtement émaillé au plomb ou vernis, bien sûr), la fonte (produite par l’alliage du fer et du carbone, en aucun cas la fonte d’aluminium, l’aluminium faisant partie des matériaux à proscrire), le pyrex (sans colorant) et le cuivre. Il existe, bien entendu d’autres matériaux « sains » pour les mangeurs, cependant leur fabrication l’est beaucoup moins pour la nature, je pense à l’inox.

 

*Le pyrex étant une forme de verre qui résiste à de très hautes températures, son entretien est facile et simple. Une sorcière de cuisine aux doigts de fée saura parfaitement éviter de le casser…

*Le cuivre demande plus d’attention que les autres pour son entretien, car il reste sain et respectueux de tes aliments tant qu’il n’est pas atteint pas ce qu’on appelle le « vert-de-gris ». Pour nettoyer le cuivre, on peut faire une pâte de farine et blanc d’oeuf avec un peu de vinaigre blanc pour le frotter.

*La fonte gagne à être frottée d’huile après avoir été nettoyée

de la même façon que, pour les plats traditionnels à Tajine et à Paëlla en

*Terre cuite, on les frotte à l’ail cru et à l’huile d’olive avant de les utiliser puis à l’huile d’olive après nettoyage.

 

Si j’ai une sympathie particulière pour les vibrations du cuivre, je privilégie cependant dans mon activité culinaire, pour des raisons pratiques, la fonte et le pyrex… A chacun selon ses possibilités et sa conscience.

 

(c) Lalie Solune

Ronde de la fée amoureuse

L’amour ne connaît pas forcément les mêmes saisons que les fruits de la nature. Cette tarte est idéale pour fêter l’équinoxe d’automne, étant donné les ingrédients qui sont utilisés pour la confectionner, cependant, la noisette et les pommes se conservant très bien pendant l’hiver, je l’ai créée à l’occasion de l’anniversaire d’un amour hivernal. Elle peut être bienvenue également pour fêter la Saint Valentin. Il est bon de mettre de côté tout ce qui n’est pas issu du sentiment d’amour pour la façonner et de se rappeler que si elle est faite pour une personne aimée, elle n’en sera que mieux réussie…

 

Dans un récipient transparent, verse 250 grammes de farine blanche avec la légèreté enjouée du vrai baiser. Coupe en petits morceaux 125 grammes de beurre avec la patience et la tendresse que nécessite l’amour qui va durer. Mêle du bout des doigts ces deux éléments, en ressentant l’aspect le plus ludique de la sensualité. Ajoute une bonne poignée de noisettes en poudre, qui apportera la sagesse et la souplesse nécessaires à l’acceptation de soi et de l’autre. Creuse au centre de ce mélange un creux, un réceptacle, une matrice où tu verseras 80 grammes d’une eau fraîche et pure qui va lier tout ensemble lorsque tu touilleras la pâte en spirales progressives, dignes du temps qui passe, se renouvelle et se répète sans être jamais tout à fait le même. Couvre la boule obtenue par délicat pétrissage d’un linge solide et immaculé, laisse-la reposer une demie-heure. C’est qu’il faut parfois, ne l’oublions pas, laisser des choses de côté, respecter les secrets et laisser le temps œuvrer.

Coupe en petits morceaux et dans la perpendiculaire de l’axe du fruit, deux ou trois pommes, selon ton souhait… et cuis-les à feu assez doux dans une casserole, avec un morceau de beurre, un petit peu d’eau et un nuage de sucre ou une lichette de miel. Tu peux aussi rajouter à cette compote un léger nuage de cannelle. Etale la pâte dans un moule beurré et fariné, cela pour qu’elle garde sa cohérence interne sans accrocher. Etends sur la pâte la compote enchantée et coupe de fines tranches de généreuses et bonnes pommes dont tu recouvriras abondamment la tarte pendant que le four chauffe. Confie ensuite cette préparation féérique au feu du foyer, que tu auras réglé avec tempérance à 180°c. Patiente une bonne vingtaine de minutes avant de la laisser un peu refroidir et de la partager avec la personne aimée, peut-être en dégustant un thé Mag Meld.

 

(c) Lalie Solune

Far aux pruneaux

Une lichouserie bretonne pour 6 gourmands…

 

Dans un grand saladier bleu et blanc ou une grande terrine brune, tamise 250 grammes de belle farine blanche et verse 250 gr. de bon vieux sucre de canne roux.

Bois un petit verre de délicieux rhum de Marie-Galante (du 65°, sinon rien!) en l’honneur des vaisseaux qui revenaient des Antilles et en chantant une chanson de marin sans omettre de mélanger les ingrédients de la main qui reste libre.

Bats quatre oeufs, non pas comme plâtre, sabot d’bouc !, mais comme une omelette… pas compliqué, ça… Tiens-toi droit et fais un puits au milieu de la farine sucrée pour y verser les oeufs, Une petite cuillère d’huile, une pincée de sel marin et puis, progressivement, en touillant (d’où l’importance d’avoir asséché la bolée) un litre de bon lait de vache frais et tout blanc. Continue en chantant jusqu’à ce que la pâte onctueuse et fluide apparaisse sous ta cuiller en bois comme par enchantement.

Là, tu peux pousser une exclamation émerveillée.

Avant de continuer : saisis-toi de quelques pruneaux et roule-les dans la farine.

Beurre et farine un plat, verse la pâte dedans et puis les pruneaux dans la pâte. Où l’on voit l’importance de n’avoir bu qu’un seul verre de rhum, corneguidouille !

Enfourne à 200°C (Oyez ! Par-delà l’océan ! à 400°F !) et laisse cuire une heure pendant laquelle tu peux boire ce que tu veux en regardant le far gonfler, gonfler, gonfler…

 

C’est beau et c’est chaud…

Ensuite, lorsqu’il est doré, c’est bon, mais c’est chaud…

 

(c) Lalie Solune

Scotch Brownie

Si tu souhaites faire plaisir à ton Brownie, préchauffe ton four à 200°c., puis mélange et cuis ceci :

230 grammes de sombre chocolat bien noir cassé en morceaux et posé dans une casserole en compagnie de 50 grammes de clair beurre frais et d’une cuillère à soupe de crème fraîche blanchette, il se mêleront et fondront doucement en touillant jusqu’à belle et douce fluidité. En retirant du feu, tant que la crème chocolatée est encore chaude, verse un (gros) dé à coudre de bon scotch whisky bien tourbé et bien iodé. D’après mon Brownie à moi, le meilleur pour ce cas demeure le Laphroaig, vif et réconfortant comme un feu de tourbe lorsque siffle le vent iodé des Highlands…

Dans ton chaudron, verse 100 grammes de beurre salé fondu et 150 grammes de sucre roux, puis fouette-les ensemble jusqu’à ce que le mélange mousse. Ajoute alors la crème de chocolat au whisky puis, sans cesser de battre, ajoute cinq œufs et, cuillère par cuillère, avec grande douceur comme flocons de neige, 180 grammes de farine blanche. Ajoute ensuite une tasse à thé de noisettes pilées brièvement et trente grammes, au minimum, de pépites de chocolat noir. Tu peux aussi ajouter des éclats de noix, de noisettes, de noix de Pécan, voire des écorces d’orange, ce qui plaira à ton cœur… Beurre un moule pas trop haut, farine-le légèrement et verse la préparation dedans avant d’enfourner pour une approximative demie heure. Lorsque les bords sont montés, et que le cœur est resté souple, sors-le du four. Laisse-le s’harmoniser un instant avec la température pour lui nouvelle. Puis, t’aidant de ta plus belle spatule plate en sacré bois, démoule-le délicatement, pose-le prudemment sur une grille. Laisse le encore respirer un quart d’heure.

Tu peux ensuite le découper en petits carrés, le premier, le cinquième, le neuvième et le dernier étant, cela va sans dire, réservés à ton Brownie…

(c) Lalie Solune

Doux consommé d’endives

Les endives sont encore là, les chicons nous invitent à ne manquer ni de vitamines ni de fibres en cette période de fin d’hiver…

J’ai toujours préféré les manger crues, question de juteuse croustillance et de fraîcheur délicieuse. Cependant, une breixe m’a convaincue, m’ayant fait goûter un potage d’endive, de deux choses : l’endive cuite n’est pas condamnée à se faire rouler dans la farine par le jambon et sa saveur si particulière n’est pas fatalement altéré en mal par la cuisson…

En les hachant menu et en les faisant transpirer en compagnie d’huile d’olive et de sel, en ajoutant de l’eau en suffisance ; en les faisant mijoter doucement et pas trop longtemps, en ajoutant une bonne poignée de mil cuit et du poivre ; en mixant le tout et en l’assaisonnant d’un peu de piment d’Espelette, tu obtiendras un consommé velouté moelleux très légèrement amer, au doux parfum discret. De quoi te réconforter et réconforter ceux que tu aimes lors des fatigues de la fin de l’hiver…

 

(c) Lalie Solune

Muffins pour la triple déesse

Avec la bénédiction des daymons du feu, allume ton four en saluant Brigit et laisse le chauffer pendant la préparation (200°c.)

Dans un cristallin chaudron, verse avec gratitude 250 gr. de belle farine blanche bénie par Demeter, 130 gr. d’amandes en poudre, 100 gr. de sucre de canne roux en saluant Erzulie, le contenu d’un sachet de levure en poudre (sans phosphate, c’est encore mieux) avec une pincée de sel protecteur en remerciant Gaïa. Mêle bien tout cela de ta main féminine.

Fais fondre 75 gr. de beurre baratté par une gaie fermière et dilue-le dans 25 cl. de lait de vache aux gros yeux doux. Ajoute ce mélange aux éléments en poudre du cristallin chaudron ainsi que deux oeufs de belle poule noire et blanche (ou rousse) en saluant Ceriduen.

Ajoute enfin

2 cuillères à soupe de sirop d’amande parfumé à la fleur d’oranger et 1 c.s. d’amande amère pour la jeune fille

5 cuillères à soupe de liqueur de lilas pour la femme mûre

Une poignée de graines de pavot pour la vieille femme

Confie ces petits gâteaux à la matrice du four pendant 20 à 25 minutes…

(c) Lalie Solune

 

Crêpes lunaires

La sorcelière ayant observé la course de la lune met à tiédir doucement trois quart de litre de ce bon liquide fortifiant béni par Brigit qu’est le lait. La sorceresse ayant contemplé la sylphe danse des flocons tamise dans un plat très creux trois cents grammes de blanche farine. La sorcière s’étant recueillie en gratitude envers la terre mère jette dedans la farine une pincée de sel.

Puis lentement, très doucement, comme le perce-neige qui pointe, elle verse le lait en remuant de son fouet. Alors elle ajoute deux beaux œufs et fouette l’onctueux liquide qu’elle laissera reposer parfois quelques heures, parfois jusqu’au lendemain, en un lieu un peu frais, recouvert d’un beau linge qui l’abrite des poussières.

Au moment du partage, elle remue une fois encore la pâte et chauffe son billig en le frottant de beurre. Elle verse un peu de liquide et l’étale finement. C’est le moyen le plus vivant qu’elle connaisse pour faire de la croustillante dentelle lunaire.

Jamais sorcelière ne manque de donner la première aux fées et aux oiseaux, aux farfadets et aux petits animaux…

(c) Lalie Solune

Mamma mia !

« La cuisine. La cucina, notre vraie mère patrie, la grotte chaude de la bonne sorcière au fin fond du pays désolé de la solitude, ses chaudrons pleins de délicieuses potions qui mijotent sur le feu, une caverne d’herbes magiques, le thym et le romarin, la sauge et l’origan, le baume du lotus qui rend la raison aux aliénés, la paix aux angoissés, la joie aux affligés, cet univers exigu et clos, les fourneaux en guise d’autel, le cercle magique de la nappe à carreaux où les enfants se nourrissaient, ces vieux enfants ramenés à leurs débuts, car le goût du lait maternel hantait toujours leur mémoire, son parfum s’attardaient dans leurs narines, leurs yeux se mettaient à briller, et la méchanceté du monde s’évanouissait quand la vieille sorcière maternelle protégeait sa progéniture contre les loups qui rôdaient au-dehors. »

John Fante Les Compagnons de la grappe, traduit par Brice Mathieussent, éd. 1018.