Quand la lune devient froide…

Commencent les récoltes d’olives noires pour l’huile

Les légumes racines sont toujours là, avec les scorsonères, les salsifis, les topinambours

Les endives, blanches, étirent leur chevelure d’un vert très pâles à la surface

Les amours sont en cage, les arbouses sont à point

et les clémentines nous vivifient

 

(c) Lalie Solune

Mélange d’herbes pour Yule

Les ombres se sont avancées, déployées, installées, mais le début de l’hiver réserve aux promeneurs avisés de beaux moments illuminés où les fées du givre jouent de scintillements, où la brume danse à l’air que l’on respire et les sylphes paraissent moins transparentes, où les vertes aiguilles royales couronnent les sentiers et les feuilles luisantes du houx rappellent que n’est pas si loin le moment de la nuit la plus longue qui annonce déjà le retour lent mais assuré des lueurs solaires. C’est l’occasion offerte d’aller demander à un genévrier de se laisser cueillir quelques baies, de récolter avec permission des aiguilles de sapins que tu rapporteras en gratitude près de ton âtre. Les aiguilles et les baies mêlées à un peu de girofle écrasé et un soupçon de cannelle seront déposées dans un bocal et recouvertes d’huile ; le bocal fermé, déposé, de préférence dans la pièce où brûle le feu, près de la fenêtre la plus lumineuse au moins une lune durant, jusqu’au moment où en préparation du solstice, rapportant le houx chez toi, tu pourras oindre les bougies de la fête, disposer quelques feuilles de lierre à leurs pieds dans des coupelles pour souhaiter la bienvenue aux visiteurs de Yule.

 

(c) Lalie Solune

Pâte feuilletée

La pâte feuilletée a la réputation d’être difficile à faire. Je lui trouve ceci de commun avec l’exploration de l’âme, avec la magie, qu’elle n’est, au fond, pas compliquée en soi, mais qu’elle demande persévérance, patience, attention, elle demande de lui consacrer du temps et un espace, elle demande constance dans l’action comme dans l’inaction…Elle offre ainsi un excellent moment de concentration, voire de méditation, où l’esprit et le corps harmonisent leurs actions.

 

Pour environ 500 gr. de pâte feuilletée

 

Verse 250 gr. de farine assaisonnée d’une pincée de sel, afin d’avoir une base nourrissante et purifiée. Creuse un puits, car il faut toujours tâcher d’aller au fond des choses, et verse 250 ml. d’eau (soit 25 cl) progressivement, en travaillant la pâte légèrement, du bout des doigts, jusqu’à obtenir une boule. Incise sur la boule une croix et la laisse poser une 1/2 heure au frais.

Etale la pâte en respectant les incisions de façon à obtenir une croix. Veille à garder une épaisseur de pâte plus importante au centre de la croix. Dépose 185 gr. de beurre chambré et, si besoin est, légèrement malaxé entre tes doigts agiles, puis coupé en petits morceaux. Prends soin de ne laisser aucun morceau avec des « angles », afin de limiter les possibilités qu’ils ne percent la pâte.

Replie les branches de la croix sur le beurre, la dernière étant celle qui est « en bas », devant toi (à rabattre vers le haut) et étale de bas en haut et de haut en bas devant toi. Tourne la pâte d’un quart de tour, rabat le côté gauche, rabat le côté droit et étale de nouveau dans le même sens. Voilà. Un tour est fait.

Tourne de nouveau la pâte d’un quart de tour, rabat le côté gauche, puis le côté droit et étale de nouveau, toujours de haut en bas et de bas en haut. Tourne et repli encore une fois la pâte puis laisse-la poser au frais pendant une heure.

 

Encore deux tours, de la même façon, et encore un repos bien mérité pour la douce pâte pendant une bonne demie-heure.

 

Puis procède aux cinquième et le sixième tours. Remets à poser au frais pendant une bonne heure.

 

Ressort la pâte du frais et étale-la sans trop l’écraser afin qu’elle ait une épaisseur suffisante et assez d’espace pour lever et feuilleter. Dorée, elle pourra alors croustiller…

 

(c) Lalie Solune

 

Marmite de Rübezhal

(Pour deux à trois personnes)

Avant que Maître Johannes n’en ait vraiment assez de compter les betteraves, régale-le de ce nourrissant et fortifiant frichti 

pèle un gros oignon jaune ou bien deux petits que tu éminceras. Lave et pèle deux ou trois belles carottes et deux jolis navets d’automne. Lave et pèle une pomme de terre assez grosse si la viande est bienvenue, sinon trois grosses pommes de terre par personne. Lave et pèle une belle betterave crue et tu pourras garder sa peau pour les teintures. Coupe tous ces légumes en morceaux pas trop petits pas trop gros. Si tu as la chance de pouvoir rajouter un persil tubéreux, c’est encore plus fantastique…

Mets-les à fondre dans un peu d’huile végétale au fond d’une cocotte en fonte avec trois feuilles de céleri, cinq grains de poivre, trois baies de genièvre, une feuille de laurier, une pincée de carvi, une petite pincée de sel et du paprika autant que tu voudras. Pose le couvercle, garde le feu assez doux. Tu as alors vingt minutes pour chanter une chanson vertumnale ou conter une histoire de Rübenzahl…

Les légumes auront bien transpiré, tu pourras alors rajouter deux ou trois petites saucisses fumées et 1,5 litre de bonne eau de source sacrée. Couvre de nouveau et laisse les bonnes et toutes petites salamandres lécher le fond du chaudron et faire mijoter tout cela pendant une heure et demie de temps.

Tu pourras ensuite servir avec amour et avec du raifort râpé.

 

(c)Lalie Solune

Pâte à pains d’épices

Et à présent qu’est arrivé la fête des défunts, il est temps de préparer la base pour les figurines en pain d’épices de décembre.

Dans ton mortier broie les épices : badiane, cannelle, girofle, poivre de la Jamaïque, macis, cardamone… à toi de mélanger ce que ton Brownie te soufflera à l’oreille… Mélange et pétris en parts égales miel et farine épicée. Ajoute de la levure en poudre. Mets ensuite la pâte dans un sac ou un récipient hermétique qui ne la laissera pas dessécher. Cache-la dans un coin, un placard ou un buffet où elle reposera jusqu’après la sainte Barbe…

 

(c) Lalie Solune

Doigts de Baba Yaga

Les pommes de terre* de la sombre terre tirées seront cuites à l’eau, pelées et râpées.

La farine*, blancheur surgie des profondeurs, sera dessus déversée.

La semoule fine de blé* qui garde les solaires reflets leur sera mêlée.

Un oeuf de poule noire sera cassé.

Une pincée de sel pour tout protéger.

Alors ce sera à tes mains de pétrir, pétrir et repétrir.

Au creux de ta paume (gauche ou droite? à toi de choisir) un peu de pâte déposée que l’autre main, n’ignorant pas ce qu’elle fait, roulera en forme de petits doigts mignons.

Dans ton chaudron d’eau bouillante salée, sans un soupir, sans un regret, ces petits doigts tu jetteras afin de les ébouillanter*.

Puis égouttés, dans une grasse poêle beurrée seront dorés.

Pleuvront alors les graines de pavot que tu auras auparavant comptées.

Un fromage frais très égoutté viendra tout compléter.

Du sucre glace pour les petites fées

qui ne craignent ni le froid ni la Baba Yaga.

 

*1 kg de pommes de terre : choisis une variété qui rend le moins d’eau possible, du type de celle que j’entendais nommer lorsque j’étais enfant « vieilles », ce sont les plus appropriées. Quelles qu’elles soient, à moins d’être assuré de ton résultat, prends soin de les égoutter une fois râpées.

*120 gr. de farine

* 100 gr. de semoule de blé fine

* environ 8 minutes de cuisson à l’eau

(c) Lalie Solune

 

 

Jus de citrouille contre la trouille

Avant la nuit où sortiront toutes les sorcières de l’ombre, les unseelies et les korriks, prépare un breuvage bénéfique pour qui doit traverser les ténèbres, affronter les premiers souffles gelés et les créatures de la nuit.

Ainsi, rassemble en ton antre 150 à 200 gr. de chair de citrouille, ou à défaut, de potiron, la chair et la peau d’une pomme et un morceau de gingembre de la taille que tu souhaites.
Râpe bien fin ces cadeaux de l’automne au-dessus de ton chaudron qui recueillera chairs et jus.
Puis recouvre d’eau de source, un peu moins d’un litre, et pose couvercle là-dessus.
Laisse le chaudron de cuivre et le temps opérer la synergie. Le temps de lancer une flambée dans la cheminée, de préparer autre chose à offrir ou de danser la polka tout autour de la maison en déposant sur les portes de petites protections…
Passe alors dans l’étamine, ajoute une bonne cuillère à soupe de miel d’acacia et un peu de jus de citron. Si, et seulement si, le Duende te le souffle à l’oreille, alors soit… rajoute la plante séchée de ton choix. Mets enfin en bouteille ventrue ou en flasque biscornue.
Te voilà prête, sœurcière,  à affronter la grande nuit des esprits…

(c) Lalie Solune

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Fricot de légumes-racines aux herbes

Voici la saison sombre qui s’installe, les feuilles tombées des mains de la déesse couvrent, bienveillantes, racines fines et chenues, glands et graines chus.

Le repli au chaud commence et c’est près du feu intérieur que chaque être vivant se réfugie.

Voici que pour certains arrive l’hibernation.

Pour d’autres, le chaud pelage a enflé, doux et épais.

Le scintillement du givre va s’installer.

Voici que s’annonce le temps des féeries hiémales.

Voici le temps du chaudron, le temps de l’imagination, le temps de la veillée…

Honneur aux racines, honneur à la chaleur dedans la terre, honneur aux partages près du feu.

Les légumes-racines sont entreposés, les herbes et champignons séchées, l’eau de la source se fait mordante, il faut vouloir la capturer.

Lumignons, chandelles et lanternes sont allumés.

Oignons pelés et émincés, betteraves crues tranchées, conserve leurs pelures pour teinturlurer.

Carottes et pommes de terre en morceaux débitées, rutabagas en cubes coupés, garde leurs épluchures pour aux animaux les donner.

Dans ton chaudron, ces légumes-racines tu vas poser, avec un peu de gras, de ton choix le préféré…

Un léger flot de vin blanc de l’année et trois flots d’eau avec gratitude récoltée dans ce chaudron tu vas verser. Trois ou cinq grains de poivre, une pincée de sel marin tu peux alors ajouter. D’une feuille de sauge, d’une pincée de sarriette et d’une autre d’armoise tu vas ce mélange saupoudrer en honorant la terre de tes pensées.

Puis ton chaudron tu dois entre’fermer, une heure ou deux laisser mijoter.

Dans les fumets de ce bouillon viendra l’heure des paroles, des contes et des chansons, des réjouissances dans la maison.

Que les unseelies vous épargnent et que les ombres sorcières vous enseignent le chemin des lueurs féériques voilées et dévoilées !

 

(c) Lalie Solune

 

les portes de la longue nuit

Voici que les nuits deviennent longues, de plus en plus longues. Cette phase de l’année, qui va de la dernière semaine d’octobre jusqu’au solstice d’hiver, est celle des longues nuits. C’est à présent que la société des humains change d’heure, que les ours, entre autres, entrent en hibernation. C’est, dans certaines traditions, le commencement d’une année nouvelle, de la même façon que la journée nouvelle peut commencer au coucher du soleil qui précède le matin. De la même façon que notre existence commence dans la nuit de la matrice maternelle.
C’est l’époque des brumes, des brames qui se termine.

Eve_lentz

Icône de Robert Lenz (source)

C’est l’époque des châtaignes, des grenades, des coings et des citrouilles, des choux et des légumes-racines : rutabaga, panais, navets, carottes, betteraves et potirons, céleri-raves et potimarrons.
C’est l’époque des chrysanthèmes, ces fleurs que fait s’épanouir l’obscurité, c’est l’époque de la purification de ton intérieur où le froid bientôt te fera te replier pour l’hiver. C’est le début de la saison des contes et de l’introspection. C’est l’époque des mystères chtoniens.
C’est l’époque des fées obscures qui gèlent et racornissent les baies sur les ronciers. Mais va vers l’or de l’arbre aux quarante écus pour le recueillir et guette les premières gelées pour ta cueillette au prunellier…

(c) Lalie Solune

Raie au chou

(pour deux ou trois)

 

Saisis toi d’une tête de chou tout vert et bien frisé et prélève-lui gentiment 150 gr de sa chevelure.

Lave ces feuilles, plonge-les dans l’eau froide et porte à ébullition un bref instant pour les blanchir.

Egoutte et recommence une fois.

Une pointe de bicarbonate de soude dans l’eau sera bienvenue pour les estomacs sensibles.

 

Mets le four à chauffer et dépouille 600 gr. d’aile de raie qu’un pêcheur bien avisé t’aura rapportée à l’instant.

Beurre un plat à gratin, cela va sans dire, au beurre salé, on cuisine ainsi breton ou bien on cuisine tout autre chose… tapisse son fond en comptant une échalote grise par personne, que tu hacheras et mêleras à du persil haché.

Vert-de gris de l’hiver, nous voilà. Vert-de-gris de l’eau froide en mer…

A présent, étale le chou coupé dans le plat, pose le poisson par dessus et arrose de vin blanc. Avec générosité. Sinon, à quoi bon ?

Ajoute 15 gr. de beurre salé – faut-il encore le dire ? – coupé en petits morceaux.

Laisse cuire environ 10 minutes à 230°C.

Prélève 2 c.s. de jus de cuisson et mélange-le à de la crème fraîche.

Arrose le plat de ce jus, ajoute encore 15 gr. de beurre car on ne s’en lasse pas au bout des terres…

Poivre et remets encore au four pour 6 à 7 minutes.

 

(c) Lalie Solune