Kasha potiron

Pour les nuits qui s’allongent et les soleils rougeoyant aux crépuscules, prépare ce plat revigorant en cuisant d’abord des graines de sarrasin grillées dans de l’eau claire à feu tout doux sous un couvercle. Le temps de peler et découper en tranches un peu fines un morceau de potiron, si cela te prend bien une vingtaine de minutes, tu pourras sortir ta marmite du feu et la poser telle quelle, chapeautée de son couvercle. Tu peux, si tu le souhaites, faire fondre des oignons dans de la bière blonde. Ils recouvriront le fond de ton plat à gratin et peuvent même se mêler à l’ensemble selon ta fantaisie du moment. Sur une couche du sarrasin qui aura absorbé son eau de cuisson, ajoute du beurre ou, mieux encore si tu es familier d’un quelconque daemon slave, de la moelle. Sur une couche de potiron dissémine une pincée de grains de carvi et cinq pincées de graines de pavot. Termine par une couche de sarrasin et de matière grasse. Il va sans dire que chacun y met son grain de sel comme bon lui semble. Laisse gratiner dans le souffle ronronnant du dragon fernal.

(c) Lalie Solune

Surprises de Samhain

Alors que s’avance la sombre nuit des esprits, celle que nombre d’enfants, de nos jours, prend à tort pour le jour des bonbons de chez les voisins, tu peux t’amuser à les effrayer avec de grandes feuilles de chou vert.

Ta sorcière circadienne en a, pour l’occasion, choisi quatre belles et grandes, vert sombre et bosselées en ricanant, puis elle les a plongé dans une grande marmite d’eau froide pour les faire bouillonner sans la moindre pitié. Si tu souhaites l’imiter, tu peux faire de même et peut-être ajouter dans l’eau une pointe de bicarbonate de soude. Lorsque l’eau est devenue verdâtre, glauque à souhait, tu égoutteras ces feuilles frisées et les garderas de côté. Elles auront ainsi le temps de refroidir.

Cuis 800 grammes de chair de citrouille, potiron ou potimarron en morceaux à l’étuvée avec un peu de beurre salé et du poivre noir. Virevolte et mets à cuire à la vapeur une livre de topinambours lavés. Tourbillonne et émince 150 grammes d’échalotes pour les faire fondre avec un peu de vinaigre de cidre. Quand la chair de citrouille sera cuite, laisse la refroidir. Lorsque les topinambours laisseront s’enfoncer jusqu’au cœur de leur chair une pique en bois, rince les à l’eau froide et verse-les dans une passoire. Ne laisse pas les échalotes brûler. Une sorcière de Samhain sait aller partout comme le vent annonciateur de l’hiver…

Pèle les topinambours sans te laisser déconcerter par les diablotins de la nuit qui grandit. Mélange les échalotes à la citrouille en les réduisant en purée. Ajoute, afin de sceller leur alliance, encore un peu de beurre, de vinaigre de cidre s’il le faut et cinq cuillères à soupe de farine, qu’elle soit de sarrasin ou d’orge. Voici la bonne farce de la sorcière d’Halloween prête devant toi. Dispose-la dans les feuilles de chou que tu vas empaqueter et nouer à la ficelle comme un sortilège de fin d’automne. A chaque nœud son vœu.

Ton plat à gratin légèrement huilé fera un parfait petit catafalque où disposer la farce empaquetée. Verse tout autour les topinambours pelés et coupés. Arrose de cidre ou bien d’eau et confie leur sort aux flammes du four. Écoute-les geindre sous deux cent degrés jusqu’à ce que tu les trouves bien assez dorés, bien assez grillés, suffisamment silencieux…

 

Honore l’esprit de la nuit, car qui sait l’écouter trouvera en son cœur une lueur dorée comme la farce au mitan de ces feuilles vert sombre. Équilibre l’esprit de cette nuit de magie en accompagnant ces surprises d’un peu de mi figue-mi-raisin.

(c) Lalie Solune

Tourte du bois des morts

La Dame du givre a effleuré de sa cape le corps de la terre. Les corneilles ont migré en bande devant le grand froid qui s’avance. Au chaud du sol les végétaux s’enfoncent encore un peu plus, au creux douillet de la terre câline. As-tu pensé à glaner dans es sous-bois ? As-tu récolté les trompettes des morts, qui en chœur te chanteront des mélopées nocturnes aux soirs de ton foyer ? A l’image du refuge souterrain où dormiront les feuilles de l’an prochain, prépare une tourte : pâte dessous, pâte dessus et trésors en dormance au-dedans…

Que le blé de l’été, devenu blanche et fine poudre, pleuve en ton chaudron de terre. Tires-en 200 gr. pour cette fois et fais pleuvoir pour l’y mêler autant de bonne farine de châtaigne. Découpe 100 gr. de beurre salé en petits morceaux et écoute le son qu’ils produisent en tombant un à un dans la farine comme tu écoutes, l’hiver, le bruit de tes pas dans la neige avec émerveillement. Emiette le beurre en le mêlant à la farine. Lorsque tout cela est unifié comme du sable, creuse par le milieu et verse 170 gr. d’eau à température de la pièce. Tourne en spirale en chantonnant ton désir et continue en pétrissant. Offre lui à présent du repos, pour la moitié d’une heure.

Brosse les trompettes des morts en écoutant les histoires boisées, les murmures d’humus que leurs parfums et leurs textures ont à te raconter.

Beurre et farine ton moule à tarte puis étale sur le fond la moitié de ta pâte avant de la piquer un peu et d’étaler du yaourt de lait de brebis. Dispose comme il te chante de très fines rondelles d’oignon doux sur ce fond. Un nuage de poivre noir ajoutera un peu de nuit, une petite couronne de fleurs de marjolaine séchées viendra sceller le cercle.

Aux salamandres de chauffer le four bien chaudement… qu’elles le fassent monter à 260°c. Mets les champignons à rissoler doucement dans une sauteuse à couvercle avec quelques grains de sel et sept cuillères à soupe de vin rouge, ce sang de la terre. Ecoute les étuver et ricaner sous le couvercle, mais quelques minutes seulement, un instant afin qu’ils ne dessèchent.

Pose-les sur le fond de tarte et recouvre du reste de pâte étalé. Orne-le selon ton plaisir inspiré, à la pointe d’un couteau et confie-le à la caverne du feu pendant vingt-cinq minutes. Si tu aimes jouer avec le feu, tu peux aussi, cinq ou dix minutes avant la fin de la cuisson, badigeonner la tourte de lait. Doré sera le trésor du bois des morts… Doré au-dehors comme un soleil d’hiver, noir en dedans pour qui pénètrera son mystère réconfortant…

(c) Lalie Solune

Doigts de Baba Yaga

Les pommes de terre* de la sombre terre tirées seront cuites à l’eau, pelées et râpées.

La farine*, blancheur surgie des profondeurs, sera dessus déversée.

La semoule fine de blé* qui garde les solaires reflets leur sera mêlée.

Un oeuf de poule noire sera cassé.

Une pincée de sel pour tout protéger.

Alors ce sera à tes mains de pétrir, pétrir et repétrir.

Au creux de ta paume (gauche ou droite? à toi de choisir) un peu de pâte déposée que l’autre main, n’ignorant pas ce qu’elle fait, roulera en forme de petits doigts mignons.

Dans ton chaudron d’eau bouillante salée, sans un soupir, sans un regret, ces petits doigts tu jetteras afin de les ébouillanter*.

Puis égouttés, dans une grasse poêle beurrée seront dorés.

Pleuvront alors les graines de pavot que tu auras auparavant comptées.

Un fromage frais très égoutté viendra tout compléter.

Du sucre glace pour les petites fées

qui ne craignent ni le froid ni la Baba Yaga.

 

*1 kg de pommes de terre : choisis une variété qui rend le moins d’eau possible, du type de celle que j’entendais nommer lorsque j’étais enfant « vieilles », ce sont les plus appropriées. Quelles qu’elles soient, à moins d’être assuré de ton résultat, prends soin de les égoutter une fois râpées.

*120 gr. de farine

* 100 gr. de semoule de blé fine

* environ 8 minutes de cuisson à l’eau

(c) Lalie Solune

 

 

Jus de citrouille contre la trouille

Avant la nuit où sortiront toutes les sorcières de l’ombre, les unseelies et les korriks, prépare un breuvage bénéfique pour qui doit traverser les ténèbres, affronter les premiers souffles gelés et les créatures de la nuit.

Ainsi, rassemble en ton antre 150 à 200 gr. de chair de citrouille, ou à défaut, de potiron, la chair et la peau d’une pomme et un morceau de gingembre de la taille que tu souhaites.
Râpe bien fin ces cadeaux de l’automne au-dessus de ton chaudron qui recueillera chairs et jus.
Puis recouvre d’eau de source, un peu moins d’un litre, et pose couvercle là-dessus.
Laisse le chaudron de cuivre et le temps opérer la synergie. Le temps de lancer une flambée dans la cheminée, de préparer autre chose à offrir ou de danser la polka tout autour de la maison en déposant sur les portes de petites protections…
Passe alors dans l’étamine, ajoute une bonne cuillère à soupe de miel d’acacia et un peu de jus de citron. Si, et seulement si, le Duende te le souffle à l’oreille, alors soit… rajoute la plante séchée de ton choix. Mets enfin en bouteille ventrue ou en flasque biscornue.
Te voilà prête, sœurcière,  à affronter la grande nuit des esprits…

(c) Lalie Solune

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